Le Bâtard de Kosigan, 1. L’ombre du pouvoir, Fabien Cerutti

Fabien CERUTTI
Le Bâtard de Kosigan, 1. L’ombre du pouvoir
Editions Mnémos, 2014
352 pages
Collection Icares

 

Le chevalier assassin, Pierre Cordwain de Kosigan, dirige une compagnie de mercenaires d’élite triés sur le volet. Surnommé le « Bâtard », exilé d’une puissante lignée bourguignonne et pourchassé par les siens, il met ses hommes, ses pouvoirs et son art de la manipulation au service des plus grandes maisons d’Europe.

En ce mois de novembre 1339, sa présence en Champagne, dernier fief des princesses elfiques d’Aëlenwil, en inquiète plus d’un. De tournois officiels en actions diplomatiques, de la boue des bas fonds jusqu’au lit des princesses, chacun de ses actes semble servir un but précis. À l’évidence, un plan de grande envergure se dissimule derrière ces manigances. Mais bien malin qui pourra déterminer lequel…


Nous sommes en 1339, en plein Moyen Âge. Mais un Moyen Âge habité autant par des humains, que par des elfes, des nains, des orcs ou d’autres créatures plus ou moins connues du bestiaire de la fantasy. L’Eglise a longtemps traqué ces créatures, leur magie étant impie, et une paix fragile a été accordée quand une princesse elfe est devenue Comtesse de la Champagne, faisant de celle-ci une terre d’asile pour les elfes et les autres peuples pourchassés. Mais en Champagne, la situation est difficile a tenir, puisqu’elle est prise en étau entre le Royaume de France et le Duché de Bourgogne – indépendant de la Couronne. Dans ce contexte instable, Pierre Cardwain de Kosigan, dit « Le Bâtard », est un interlocuteur privilégié pour toute basse-besogne, complot secret, ou enquête discrète. Un tournoi organisé en Champagne est au coeur de tous les enjeux politiques et diplomatiques de l’année, et bien sûr, le Bâtard de Kosigan a décidé d’y participer.

C’est le journal du chef mercenaire qui nous est dévoilé ici. Et, je ne sais pas pourquoi, je m’attendais presque à un personnage plus violent et bourrin. Je ne dis pas qu’il n’est pas violent, mais il est beaucoup plus subtile. Bon, il triche, ment, séduit, corrompt, trahit et assassine, mais le phrasé est élégant, et il est difficile de savoir qui il sert réellement – bon, en fait c’est facile : lui-même – et quel est son but. Avertissement (annoncé dès la première page): il ne révèlera pas ses plans. On découvre donc au fur et à mesure chacune de ses actions et ses conséquences. On devine derrière une stratégie sans jamais avoir de plan d’ensemble. Et on se fait surprendre – en tous cas, je me suis faite avoir par ses intrigues.

Tout le roman va donc tourner autour du tournoi (ahah !). C’est une action qui dure quelques jours, qui porte une forte tension, et qui va nécessiter du personnage bien des efforts. Mais on va aussi suivre la correspondance de Michaël Konnigan, un lointain descendant de Pierre Cadwain de Kosigan de la fin du XIXe siècle, à qui on livre un curieux objet en héritage et qui va en apprendre plus – ou plutôt soulever de nombreux questions – sur son ancêtre magouilleur. Les deux fils de l’intrigue se mêlent habilement et le deuxième présage de grands évènements à venir dans le premier.

Et en substance, on en apprend plus sur ce monde, ce Moyen Âge-là : la magie, les ravages faits par l’Inquisition dans les rangs des peuples anciens. On croise plusieurs races : Humals (hommes à têtes de lion), elfes, nains, Changesang (capable de prendre l’apparence d’autres personnes), esprits de rivière… Au delà de cet aspect magique, ce Moyen Âge a un goût d’authentique. Et pour cause, l’auteur est historien. Certains mots de vocabulaire employés, les pièces d’armures, les types de chevaux, les textes en ancien français qui nécessitent une traduction (d’ailleurs le journal du mercenaire a sûrement été traduit pour qu’on puisse le lire ;) )… tout nous met dans l’ambiance des romans de chevalerie, les complots en plus. Et j’insiste là-dessus, parce que c’est un sentiment que l’on a rarement dans les romans de fantasy dite médiévale.

Je ne m’attendais pas non plus que toute l’action soit si condensée autour d’un évènement, mais j’ai beaucoup aimé, et même si ça peut paraître court, il y a tellement de combats – décrits avec minutie, notamment lors du tournoi – d’actions, de retournement de situation, de « je veux bien te servir, mais en fait je sais que je vais te trahir », de double-jeu, etc. qu’on n’a pas le temps de s’ennuyer.

En conclusion, j’ai passé un très bon moment de lecture.

The Help – Kathryn Stockett

Kathryn STOCKETT
The Help
Editions Penguin Books, 2010
451 pages

Présentation de l’éditeur

Enter a vanished world : Jackson, Mississippi, 1962.

Where black maids raise whete children, but aren’t trusted not to steal the silver…

There’s Aibileen, raising her seventeenth white child and nursing the hurt caused by her own son’s tragic death; Minny, whose cooking is nearly as sassy as her tongue; and white Miss Skeeter, home from college, who wants to know why her beloved maid has disappeared.

Skeeter, Aibileen and Minny. No one would ever believed they’d be friends; fewer still would tolerate it. But as each woman finds the courage to cross boundaries, they come to depend and rely upon one another. Each is in search of a truth. And together they have an extraordinary story to tell…


A Jackson, Mississippi, en 1962, les femmes Blanches emploient des Noires pour faire le ménage, la cuisine et élever leurs enfants, alors qu’elles organisent un club de bridge ou lèvent des fonds pour « les pauvres enfants affamés d’Afrique ». Aibileen travaille chez les Leefolt. Leur fille, Mae Mobley, 2 ans, est le 17ème enfant qu’elle élève. Elle est là tous les jours, et assiste aux grands moments de sa vie. Minny a une langue trop bien pendue pour garder longtemps un emploi, même si sa cuisine est divine. Skeeter revient à Jackson après avoir obtenu un diplôme, et retourne chez elle pour découvrir que Constantine, la bonne qui l’a élevée pendant 22 ans a disparu. Sa mère lui met la pression pour faire d’elle une jeune femme convenable et attirante, et lui trouver vite un mari. Mais Skeeter a un projet : écrire. Une histoire de toilettes et la rencontre d’Aibileen et de Minny lui donnent un sujet. Un sujet dangereux, mais un sujet qui pourrait changer bon nombre de choses à Jackson.

J’inaugure avec cette chronique les lectures en VO sur ce blog. On m’avait prêté ce livre il y a deux ou trois ans ; j’ai enfin passé le cap et je l’ai lu. Et je rejoins l’avis général pour dire que ce livre est plein de force et d’émotion, et donc qu’il est à lire. Pour une fois, je ne pourrai pas juger le roman sur le style de son auteur  – sur du français oui, mais je ne vais pas commenter de l’anglais. Ça se lit bien, mais le langage est parfois très familier et retranscrit des accents (avec oubli d’auxiliaire, contraction, expressions presque argotiques, etc.) et donc loin de l’anglais académique qu’on apprend. Il vaut mieux avoir un bon niveau d’anglais parce que c’est un peu perturbant.

On suit les points de vue d’Aibileen, de Skeeter et de Minny, alors qu’elles poursuivent leurs chemins à Jasckson : Skeeter se met à développer un point de vue contraire à ce que la bonne société voudrait d’elle, Minny doit se faire aux bizarres habitudes de sa nouvelle patronne, et Aibileen prend soin de Mae Mobley en lui racontant des histoires sur la tolérance. L’ambiance de la ville est très bien transmise, entre la bienséance de la société blanche huppée, les relations compliquées entre les communautés noire et blanches, avec la menace du Ku Klux Klan ou celle que les femmes blanches font peser sur leurs employées : qu’une rumeur sur l’une d’elle se répande et elle ne pourra plus trouver de travail en ville.

On est aussi dans un contexte bien particulier, avec le début des marches pour les droits civils, l’influence des actions de Rosa Parks et Martin Luther King. Il y a un subtil changement social, puisque c’est aussi le début du mouvement hippie, et qu’une musique contestataire se répand – Bob Dylan est cité plusieurs fois -, changement qui semble peu affecter Jackson. Par contre, on ressent bien la tension qu’il y a entre les deux communautés. Mais cela est mis en scène de manière intelligente par l’auteur puisqu’elle aborde de manière nuancée les relations entre ces femmes blanches et leurs bonnes, des relations de respect, de conflit, de peur, des relations parfois inexistantes.

Je suis complètement emballée et émue par cette lecture, je l’ai lu bien plus vite que ce à quoi je m’attendais et le fait d’avoir vu l’adaptation cinématographique avant de le lire ne m’a absolument pas gênée. Au contraire, le fait de lire en anglais m’a rappelé des intonations ou des voix des actrices du film ce qui a d’autant plus enrichi ma lecture. A lire sans hésiter !

Des films en quelques mots (5)

Le blabla introductif est . Au programme, les films que j’ai vu au cinéma depuis janvier sans avoir le temps de les chroniquer. Cet article a donc quatre mois de retard (mais vieux motard que jamais… euh mieux vaut tard que jamais, n’est-ce pas ?).

Vu le temps qu’il m’a fallu pour pondre cette article, vous m’excuserez, s’il vous plaît, du fait que mes avis soient encore plus courts que d’habitude et donc peu argumentés. Si vous souhaitez plus de détails n’hésitez pas à me le faire savoir. Merci pour votre indulgence. *s’incline* :)

Le vent se lève – Hayao Miyazaki

Affiche - Le vent se lèveLong métrage japonais, sorti en 2014, avec les voix de Hideaki Anno, Miori Takimoto, Hidetoshi Nishijima…

Genre : Animation. Drame.

Synopsis

Inspiré par le fameux concepteur d’avions Giovanni Caproni, Jiro rêve de voler et de dessiner de magnifiques avions. Mais sa mauvaise vue l’empêche de devenir pilote, et il se fait engager dans le département aéronautique d’une importante entreprise d’ingénierie en 1927. Son génie l’impose rapidement comme l’un des plus grands ingénieurs du monde. Le Vent se lève raconte une grande partie de sa vie et dépeint les événements historiques clés qui ont profondément influencé le cours de son existence, dont le séisme de Kanto en 1923, la Grande Dépression, l’épidémie de tuberculose et l’entrée en guerre du Japon. Jiro connaîtra l’amour avec Nahoko et l’amitié avec son collègue Honjo. Inventeur extraordinaire, il fera entrer l’aviation dans une ère nouvelle.

Mon avis

La vie de cet ingénieur se déroule dans ce Japon d’avant guerre. J’ai mis un peu de temps à me repérer dans cette époque (je ne savais pas quand ça avait lieu et ça m’a d’abord perturbée). La vision de ce Japon qui cherche à rattraper la modernité des pays occidentaux est aussi très intéressante. Le film est beau, lumineux ; il a aussi sa part d’ombre quand le rêve se transforme en cauchemar. J’en garde un souvenir marquant et doux, la poésie du quotidien, de l’amour, de la nature est sans cesse présente.

Voir l’avis de : La croisée des chemins

Only lovers left alive – Jim Jarmusch

Affiche - Only Lovers left aliveLong métrage allemand, britannique, sorti en 2014, avec Tom Hiddleston, Tilda Swinton, Mia Wasikowska…

Genre : Romance. Drame.

Synopsis

Dans les villes romantiques et désolées que sont Détroit et Tanger, Adam, un musicien underground, profondément déprimé par la tournure qu’ont prise les activités humaines, retrouve Eve, son amante, une femme endurante et énigmatique. Leur histoire d’amour dure depuis plusieurs siècles, mais leur idylle débauchée est bientôt perturbée par l’arrivée de la petite sœur d’Eve, aussi extravagante qu’incontrôlable. Ces deux êtres en marge, sages mais fragiles, peuvent-ils continuer à survivre dans un monde moderne qui s’effondre autour d’eux ?

Mon avis

J’adore ! La BO, l’ambiance, le parti pris sur ces créatures fantastiques, désabusées de ce monde qui tourne trop vite, les promenades en voiture dans Detroit désaffectée, cette histoire d’amour qui perdure à travers les âges, les souvenirs d’époques passées et dépassées, les grands noms cités comme des connaissances… J’ai savouré ce film.

12 years a slave – Steve McQueen

Affiche - 12 years a slaveLong métrage américain, sorti en 2014, avec Chiwetel Ejiofor, Michael Fassbender, Benedict Cumberbatch…

Genre : Drame. Historique.

Synopsis

Les États-Unis, quelques années avant la guerre de Sécession. Solomon Northup, jeune homme noir originaire de l’État de New York, est enlevé et vendu comme esclave. Face à la cruauté d’un propriétaire de plantation de coton, Solomon se bat pour rester en vie et garder sa dignité. Douze ans plus tard, il va croiser un abolitionniste canadien et cette rencontre va changer sa vie…

Mon avis

Encore un film que j’ai beaucoup aimé. je conserve le souvenir de beaucoup de violence, dans les actes et dans les propos. C’est en tous cas un film marquant sur l’esclavage.

Grand Budapest Hotel – Wes Anderson

Affiche - Grand Budapest HotelLong métrage américain, sorti en 2014, avec Ralph Fiennes, Tony Revolori, F. Murray Abraham…

Genre : Comédie. Drame.

Synopsis

Le film retrace les aventures de Gustave H, l’homme aux clés d’or d’un célèbre hôtel européen de l’entre-deux-guerres et du garçon d’étage Zéro Moustafa, son allié le plus fidèle. La recherche d’un tableau volé, oeuvre inestimable datant de la Renaissance et un conflit autour d’un important héritage familial forment la trame de cette histoire au coeur de la vieille Europe en pleine mutation.

Mon avis

Un film très drôle qui m’a apporté une certaine fraîcheur (et pas seulement parce que ça se passe en hiver). Il y a un côté burlesque qui m’a beaucoup plu, contrebalancé par un propos sous-jacent plus sérieux. J’ai juste eu un peu de mal avec cette brochette d’acteurs connus qui ont de petits rôles (pourquoi ne pas laisser leur chance à des acteurs moins reconnus ?)

Max – Sarah Cohen-Scali

Couverture - Max

Sarah COHEN-SCALI

Max

Editions Gallimard Jeunesse, 2013

468 page

Collection Scripto

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Présentation de l’éditeur

« 19 avril 1936. Bientôt minuit. Je vais naître dans une minute exactement. Je vais voir le jour le 20 avril. Date anniversaire de notre Führer. Je serai ainsi béni des dieux germaniques et l’on verra en moi la premier-né de la race suprême. La race aryenne. Celle qui désormais régnera en maître sur le monde. Je suis l’enfant du futur. Conçu sans amour. Sans Dieu. Sans Loi. Sans rien d’autre que la force et la rage. Je mordrai au lieu de téter. Je hurlerai au lieu de gazouiller. Je haïrai au lieu d’aimer.

Heil Hitler ! »

Max est le prototype parfait du programme « Lebensborn » initié par Himmler. Des femmes sélectionnées par les nazis mettent au monde de purs représentants de la race aryenne, jeunesse idéale destinée à régénérer l’Allemagne puis l’Europe occupée par le Reich.

Une fable historique fascinante et dérangeante qu’on ne peut pas lâcher. Une lecture choc, remarquablement documentée, dont on ne sort pas indemne.

Mon avis

Max est né le 20 avril 1936 à Steinhöring. Sa mère a été sélectionnée pour s’accoupler avec un officier SS et débuter le programme « Lebensborn » : la fabrique d’une jeunesse aux critères aryens soigneusement préservés. Il naît le jour de l’anniversaire d’Hitler et il est le prototype de l’aryen parfait. Cela fait de lui un enfant à part. Il ne sera pas adopté par de riches familles allemandes comme les autres enfants nés de cette manière. Il prend une place centrale dans le programme « Lebensborn » et aussi dans l’enlèvement d’enfants polonais par les troupes allemandes. On le verra intégrer des écoles pour les Jeunesses Hitlériennes, jusqu’à ce que la guerre arrive aux portes de Berlin.

Une fois que je me suis faite au parti pris de l’auteur qui consiste à nous confier les pensées d’un bébé qui pense comme un adulte un brin cynique, et qui a des valeurs nazies – parti pris qui fait alors froid dans le dos -, j’ai été plongée dans ce roman. C’est assez fascinant d’être dans la tête d’un enfant qui voit et assiste à des choses auxquelles il ne devrait même pas avoir conscience. Cependant, le personnage reste humain, et même s’il a une manière bien à lui d’exprimer ses doutes et sa tristesse, on se prend à souhaiter qu’il s’en sorte – physiquement et moralement. Il est très précoce, et il va vivre des trucs abominables. Il va quand même se trouver un grand frère étonnant et à s’y attacher.

L’auteur utilise un langage franc et cru, déjà adulte, malgré ce décalage avec l’âge de son personnage. L’enfant ne se remet jamais en question, il est trop jeune pour ça, et il faut alors se faire au fait de recevoir les faits bruts de pomme, sans recul ni filtre qui les rendrait pas plus acceptable, mais moins inhumains.

Cette plongée dans le programme d’idéologisation de la jeunesse allemande donne bien souvent la nausée – après tout, ça s’est vraiment passé. Ce roman décrit un aspect du nazisme dont on parle assez peu. En cours d’Histoire, au collège ou au lycée, quand on parle de l’Allamagne Nazie, on entend beaucoup parler de la Shoah, des aspects du totalitarisme. L’embrigadement de la jeunesse est évoqué sans qu’on y donne de détails. Ce roman nous plonge dans ces détails (les sélections sur des critères physiques, l’instruction, la discipline, etc.) et j’ai apprécié ce réalisme historique, même s’il est loin d’être réjouissant.

La collection Scripto des Editions Gallimard s’adressent aux adolescents à partir de 13 ans. Mais je ne peux m’empêcher de me dire que ce roman-là sera lu plus facilement et mieux compris par des plus vieux. Du haut de mes 22 printemps, j’ai trouvé ça dur, sans être vraiment choquée. J’ai été prise dans cette lecture au point d’avaler ces 470 pages en deux jours. Je conseille ce roman pour les personnes qui aiment lire sur cette période de l’Histoire. Le propos est dur, mais je le trouve éclairant. Et, mine de rien, on s’y attache, à Max.

Lu pour le Baby Challenge Jeunesse

big-challenge-2014

Parabellum – Alain Paillou, Olivier Legrand et Jean-Blaise Djian

Couverture - Parabellum

Alain PAILLOU (dessin), Olivier LEGRAND et Jean-Blaise DJIAN (scénario)

Parabellum

Editions Emmanuel Proust, 2005

92 pages

Collection Petits Meurtres

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Présentation de l’éditeur

1937… Deux réfugiés politiques italiens sont retrouvés assassinés dans une forêt parisienne. Or, ces deux intellectuels ne présentaient aucun danger  pour le régime de Mussolini. Pour l’inspecteur Alfred Bergmann, ce double meurtre cache autre chose. D’autant que son enquête le mène chez des ex-membres de l’Action Française, ce mouvement d’extrême droite qui ambitionne de renverser la République. Comment un simple flic va t-il démasquer les commanditaires des meurtres et déjouer un complot d’état ?

Mon avis

En 1934, l’Action Française, manifestait contre la République. Le groupe extrémiste est dissout, mais reparaît et est nommé par la presse La Cagoule. Cette bande dessinée explore le contexte de l’époque en mettant en scène deux meurtres, et un policier juif qui va tenter de retrouver l’assassin. Les amis des victimes, deux réfugiés italiens opposés au régime fasciste, sont persuadés qu’elles ont été tuées sur ordre de Mussolini, mais que l’affaire sera vite étouffée pour des raisons diplomatiques. L’inspecteur Alfred Bergmann tente de découvrir la vérité sur cette affaire, alors que sa hiérarchie lui met des bâtons dans les roues. D’autant plus que son patronyme juif lui vaut l’hostilité et le mépris des extrémistes qu’il doit interroger :

– Tiens, vous vous appelez Alfred… comme Dreyfus…

– Non, comme Jarry.

Le dessin d’Alain Paillou est très épuré. J’aime beaucoup, même si ça me semble étrange de voir des pages aussi blanche, avec juste le trait noir qui dessine les personnages. L’histoire est aussi bien menée. Les deux scénaristes nous offrent un zoom sur une période historique compliquée et assez peu exploitée en littérature ou en bande dessinée. On retrouve quelques personnalités encore bien connues, sous des noms différents, comme ce grand fabricant de pneus. Bergmann est un personnage sympathique. C’est un flic consciencieux et acharné qui ne se laisse pas marcher sur les pieds et qui ira jusqu’au bout pour mettre à jour un complot qui menace le gouvernement de Blum. Le contexte est loin d’être rose. Il y a une ambiance de racisme nauséabonde et on sent qu’on est proche de la Seconde Guerre mondiale.

Pour conclure, c’est une BD sympa, avec un dessin un peu froid, mais fin, et une histoire solide, qui plaira particulièrement aux personnes intéressées par l’histoire politique des années 1930. Je le recommande chaudement !

Des films en quelques mots (2)

Le blabla introductif sur le pourquoi est . Quant au reste, le titre de l’article me semble suffisamment explicite.

Une arnaque presque parfaite, Rian Johnson

Affiche - une arnaque presque parfaiteLong métrage américain, sorti en 2008, avec Adrian Brody, Mark Ruffalo, Rachel Weisz…

Genre : Thriller, drame, romance

Synopsis

Deux frères sont spécialisés dans les arnaques de haut vol. Rien n’est impossible pour eux et les mises en scène sont toutes plus spectaculaires les unes que les autres. Lorsqu’ils s’attaquent à une riche héritière excentrique, ils ne se doutent pas qu’ils vont avoir à faire à une charmante manipulatrice qui cache bien son jeu.

Mon avis

Le film m’a laissé un sentiment mitigé et confus. L’aspect manipulation des personnages entre eux et des spectateurs par les auteurs du film tourne un peu en rond et, au bout d’un moment, ça devient mollasson. J’ai eu beaucoup de mal à accrocher et je ne suis pas très convaincue par cette histoire d’arnaque. Je n’ai peut-être rien compris du tout, mais ce que j’ai vu ne m’a pas incitée à y porter beaucoup d’attention.

Gangs of New York, Martin Scorsese

Affiche - Gangs Of New YorkLong métrage américain, sorti en 2003, avec Leonardo DiCaprio, Daniel Day-Lewis, Cameron Diaz…

Genre : Historique, drame, action

Synopsis

En 1846, le quartier de Five Points, un faubourg pauvre de New York, est le théâtre d’une guerre des gangs entre émigrants irlandais d’un côté, les Dead Rabbits menés par Père Vallon, et les Native Americans de l’autre, dirigés par le sanguinaire Bill le Boucher. Ce dernier met rapidement en déroute les Dead Rabbits en assassinant leur chef, et prend par la même occasion le contrôle exclusif des rues de la « grosse pomme ». Afin de renforcer ses pouvoirs, Bill s’allie avec Boss Tweed, un politicien influent. Seize ans plus tard, le gang des Native Americans règne toujours en maître dans New York. Devenu adulte, Amsterdam Vallon souhaite venger la mort de son père en éliminant Bill. Mais sa rencontre avec Jenny Everdeane, une énigmatique pickpocket dont l’indépendance et la beauté le fascinent, va compliquer les choses…

Mon avis

Ce film prend place dans un contexte historique intéressant : nous sommes en plein dans la Guerre de Sécession. On recrute les soldats dans les quartiers pauvres, ce qui provoque des émeutes, des lynchages et exacerbe le racisme envers les noirs et les immigrés. Je suis curieuse de savoir quelle est l’exactitude des faits historiques rapportés ici. Au delà de ça, j’ai globalement aimé : le propos, le jeu des acteurs, la réalisation… mais ce sont vraiment cette Histoire au delà de l’histoire de Amsterdam Vallon qui m’a intéressée.

Constantine, Francis Lawrence

Affiche - ConstantineLong métrage allemand, américain, sorti en 2005, avec Keanu Reeves, Rachel Weisz, Shia LaBeouf…

Genre : Action, fantastique, épouvante-horreur

Synopsis

John Constantine, extralucide anticonformiste, qui a littéralement fait un aller-retour aux enfers, doit aider Katelin Dodson, une femme policier incrédule, à lever le voile sur le suicide mystérieux de sa soeur jumelle. Cette enquête leur fera découvrir l’univers d’anges et de démons qui hantent les sous-sols de Los Angeles d’aujourd’hui.

Mon avis

Constantine se retrouve à démêler un complot ourdi par le fils du diable pour envahir le monde des hommes avec des hordes de démons. J’avoue que c’est le genre d’histoire qui me laisse froide et sceptique sur le principe et indifférente sur le reste. Le seul truc qui m’a vraiment plu c’est l’apparition de Satan incarné par Peter Stormare. Sinon, c’est peut-être un bon film, mais c’est difficile d’en juger puisque ce qu’il raconte ne m’a pas convaincue.

Infernal Affairs, Wai-keung Lau et Alan Mak

Affiche - Infernal AffairsLong métrage hong-kongais, sorti en 2004, avec Tony Leung Chiu Wai, Andy Lau, Anthony Wong Chau-Sang…

Genre : Policier, drame, thriller

Synopsis

Ming est une taupe dans la police de Hong Kong, implantée là par les bons soins du patron de la triade. Yan est un policier infiltré dans la triade depuis dix ans. Son casier judiciaire bien alourdi par les années est là pour témoigner de sa réussite. Parfaite symétrie des situations et des hommes : Ming et Yan sont également fatigués des rôles que leur font jouer, dans l’ombre, leurs patrons respectifs. Ming rêve de devenir un vrai policier. Yan est las de tuer au nom de la justice et voudrait pouvoir se retirer enfin.

Mon avis

J’en veux à Scorsese pour son spoil dans Les Infiltrés. Parce que Infernal Affairs c’est exactement la même intrigue au rebondissement près. Je m’en doutais et malgré tout, ça m’a perturbée. A part ça, Infernal Affairs est un très bon film. Je vais donc tâcher d’oublier Les Infiltrés pour me concentrer sur Infernal Affairs. Les deux acteurs principaux sont très bons. Ils incarnent deux personnages fatigués de leur double vie, s’interrogeant parfois à qui va leur loyauté. L’atmosphère est marquante : silence et lenteur n’introduisent pas moins de tension dans une intrigue millimétrée et nerveuse. C’est du grand thriller. A voir (avant Les Infiltrés !)

Austenland, Jerusha Hess

Long métrage britannique, produit en 2013, avec Keri Russel, J. J. Field, Jennifer Coolidge, Bret McKenzie…

Genre : Comédie, romance

Synopsis

Obsédée par la mini-série de la BBC « Orgueil et préjugés », une jeune femme se rend dans le parc d’attraction consacré à Jane Austen afin de trouver l’homme idéal.

Mon avis

Jane Hayes, une jeune femme fan de l’univers d’Orgueil et préjugés, se paie un séjour à Austenland pour une plongée au coeur de l’époque de l’écrivain, avec tenues et courtoisie d’époque, et même des acteurs payés pour faire vivre aux visiteuses une belle romance. Ce film est drôle et plaisant. Ça ne défrise pas, mais on passe un bon moment.

Le dernier samouraï, Edward Zwick

Affiche - le dernier samouraïLong métrage américain, sorti en 2003, avec Tom Cruise, Ken Watanabe, Timothy Spall…

Genre : Historique, guerre

Synopsis

En 1876, le capitaine Nathan Algren vit avec les souvenirs des batailles sanglantes menées contre les Sioux. Fort de son expérience au combat, il devient conseiller militaire pour le compte de l’empereur japonais soucieux d’ouvrir son pays aux traditions et au commerce occidentaux et d’éradiquer l’ancienne caste guerrière des samouraïs. Mais ceux-ci influent sur le capitaine Algren, qui se trouve bientôt pris entre deux feux, au coeur d’une confrontation entre deux époques et deux mondes avec, pour le guider, son sens de l’honneur.

Mon avis

Alors qu’il est au Japon pour entraîner les armées de l’empereur et combattre la rébellion de seigneurs samouraï, Algren est capturé par ces derniers lors d’une bataille. Soigné, nourri, il est accueilli par Kastumoto qui souhaite apprendre à connaître son ennemi. Algren se met à fréquenter les samouraïs. Initié à la voix du sabre, il appréhende peu à peu leurs valeurs et leur sens de l’honneur. Il est alors pris entre les traditions de cette caste de guerriers et la modernité qu’impose le monde occidental. Le tout n’est pas très subtile : c’est la marche dévastatrice du progrès pour créer un monde moderne contre les traditions millénaires, celles des Indiens d’Amérique comme celles des samouraïs. Ca reste un bon film. J’ai beaucoup aimé découvrir le Japon féodal et ses valeurs à travers les yeux de Nathan qui retrouve grâce à cette façon de vivre et à cette philosophie une paix intérieure depuis longtemps perdue. Tom Cruise a un rôle parfait pour lui et Ken Watanabe est plus que convaincant dans son rôle de chef de guerre charismatique. Le dernier samouraï est une fresque épique, puissante, servie par de beaux décors et une musique époustouflante.

La Confrérie des chasseurs de livres – Raphaël Jerusalmy

Couverture - La confrérie des chasseurs de livres

Raphaël JERUSALMY

La Confrérie de chasseurs de livres

Éditions Acte Sud, 2013.

315 pages

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Présentation de l’éditeur

Le roman de Raphaël Jerusalmy commence là où calent les livres d’histoire. François Villon, premier poète des temps modernes et brigand notoire, croupit dans les geôles de Louis XI en attendant son exécution. Quand il reçoit la visite d’un émissaire su roi, il est loin d’en espérer plus qu’un dernier repas. Rebelle, méfiant, il passe pourtant un marché avec l’évêque de Paris et accepte une mission secrète qui consiste d’abord à convaincre un libraire et imprimeur de Mayence de venir s’installer à Paris pour mieux combattre la censure et faciliter la circulation des idées progressistes réprouvées par Rome. Un premier pas sur un chemin escarpé qui mènera notre poète, flanqué de son fidèle acolyte coquillard maître Colin, jusqu’aux entrailles les plus fantasmatiques de la Jérusalem d’en bas, dans un vaste jeu d’alliances, de complots et de contre-complots qui met en marche des forces de l’esprit contre la toute-puissance des dogmes et des armes, pour faire triompher l’humanisme et la liberté.

Mon avis

François Villon est en prison quand l’évêque Chartier, mandaté par Louis XI, l’en sort avec une mission. Utilisant son intérêt pour les livres, il l’envoie convaincre le libraire et imprimeur Fust de fournir la France en livres censurés pour affaiblir l’autorité du Vatican et unir la nation sous une seule bannière : celle du roi de France. Pour obtenir les manuscrits, François et Colin de Cayeux, son ami Coquillard, sont envoyé en Italie puis en Palestine où leur chemin semble déjà être tout tracé. Ils vont d’abord aller dans un monastère, puis à la rencontre d’un rabbin, avant d’être emprisonnés par les mamelouks qui contrôlent Jérusalem et ses alentours. Ils ne devront leur liberté qu’aux vers de Villon et à la pugnacité de Colin. Ou alors à la bonne volonté de quelques protecteurs de la Confrérie des chasseurs de livres : Frère Paul, le moine bon vivant, Rabbi Gamliel, ou encore Federico le gentilhomme italien proche de Côme de Médicis. Ils ont passé l’épreuve pour aller visiter la Jérusalem d’en-bas et approcher le cœur de la Confrérie des chasseurs de livres et ses secrets. Ils apprennent que la Confrérie détient des écrits d’une importance capital pour la chrétienté : les dernières paroles du Christ rapportées par un rabbin qui s’est entretenu peu de temps avant sa condamnation par les romains. Villon, très croyant malgré les apparences, brûle de toucher, sans parler de lire ces écrits. Cela lui sera accordé après une longue initiation : alors que Colin repart pour l’Europe avec une cargaison de livres à faire imprimer, dont le manuscrit du Testament de Villon, celui-ci est mené sur les rives de la Mer Morte pour accomplir la seconde partie de sa mission.

Le roman se situe à une époque de grands changements sociétaux. L’imprimerie qui permet une plus grande diffusion des écrits, à moindre coût : les ouvrages des philosophes antiques, des poètes, des penseurs deviennent accessible à une autre partie de la société. La religion est abordée, ainsi que les conflits et les luttes de pouvoir qui s’organise autour d’elle. Le roi Louis XI est en conflit avec le Pape qui soutient les seigneurs frondeurs qui s’opposent à lui. Louis XI essaie de contrer son autorité en autorisant la publication d’ouvrages prohibés par l’Inquisition, sous privilège royal. C’est aussi la construction d’une nation qui s’opère, via son meilleur ambassadeur, un poète, celui qui manie la langue française et en fait une arme, contre le latin. La langue française devra attendre François 1er pour devenir la langue officielle, en attendant, défendre Villon, c’est défendre le français. Il y a aussi l’idée que la connaissance est source de pouvoir : en la propageant, on affaiblit le pouvoir de celui qui en avait le monopole, à savoir l’Eglise catholique.

Le personnage a une formidable potentialité romanesque : c’est un poète, le premier poète moderne, certainement le premier poète maudit ; un brigand, un aventurier ; un libertin, un érudit, amoureux des livres, avec sa liberté d’esprit, son insolence et son intelligence qu’il cache sous une attitude débonnaire et simple ; un croyant ambigu : avec un profonde croyance en Dieu et Jésus, il cherche son dieu, mais il affiche le comportement d’un athée. Génie rebelle, il a un aspect populaire, proche du peuple. Il est imprévisible : plusieurs facettes de sa personnalité sont montrées dans ce roman. A mes yeux de lectrice du 2014, il a un caractère de légende.

Catins et gentes dames, bandits et notaires, seigneurs et ouvriers, touchants ou grotesques, déambulent parmi les strophes, tous plus préoccupés d’amour et de bonne chère que de savoir si la terre est plate, ronde ou quadrangulaire. Car Villon n’est pas seulement le héraut d’une ère nouvelle. Il est le croque-mort de celle-ci. Il tire un trait attendri sur une époque qui se meurt. Mais lui, refuse de mourir avec elle. Il s’est éclipsé, plantant là curés et gendarmes, rois ambitieux et évêques véreux, léguant, à qui en voudra, sa légende, sa rengaine. Aux hommes de demain, il n’adresse ni beau discours ni proclamation. Juste un gentil clin d’œil.

Le roman a un aspect picaresque avec tous ses rebondissements. La mission confiée par Chartier devient pour Villon un parcourt initiatique alors qu’il déroule les étapes de son voyage.

J’ai trouvé que l’intrigue manquait de rythme, tout comme le personnage principal manquait d’épaisseur. Les descriptions sont très appliquées et s’attachent à nous faire revivre une époque. Il y a de nombreuses péripéties, mais en vrai ce n’est pas rendu haletant, trépidant ou passionnant, comme on aurait pu l’espérer. L’auteur a une plume « érudite » : il inclut des noms de penseurs, des citations de philosophes… On sent qu’il y a de la recherche, mais cela reste abordable. On apprend des choses sur l’époque, ne serait-ce qu’en ayant un aperçu des ateliers d’imprimeurs, mais le résultat est plutôt soporifique.

La part de l’autre – Eric-Emmanuel Schmitt

Couverture - La part de l'autre

Eric-Emmanuel SCHMITT

La Part de l’autre ; Postface inédite de l’auteur

Editions Le Livre de Poche, 2003.

503 pages.

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Présentation de l’éditeur

8 octobre 1908: Adolf Hitler recalé. Que serait-il passé si l’Ecole des beaux-arts de Vienne en avait décidé autrement ? Que serait-il arrivé si, cette minute-là, le jury avait accepté et non refusé Adolf Hitler, flatté puis épanoui ses ambitions d’artistes ? Cette minute-là aurait changé le cours d’une vie, celle du jeune, timide et passionné Adolf Hitler, mais elle aurait aussi changé le cours du monde…

 Mon avis

« Le diable se prend toujours pour un ange. »

Eric-Emmanuel Schmitt commence son roman en envisageant deux situations : la première part du moment où Adolf Hitler, qui a tenté l’entrée à l’École des Beaux-Arts de Vienne, est recalé ; la deuxième part de l’inverse : Adolf Hitler est accepté et obtient une bourse pour ses études. De là, la « réalité » et l’une de ses possibles alternatives : celle de celui qui n’a plus de but, devient un vagabond tout en continuant à se croire un artiste ; celle de l’étudiant en art qui tente de trouver son style, sa peinture. La première, c’est celle d’Hitler ; la seconde celle d’Adolf H. Cette uchronie présente en quelque sorte une « biographie » romancée d’Hitler et son alternative, ce qui nous permet de penser l’homme et d’entrer dans sa tête pour effleurer sa folie, son délire, sa paranoïa.

Il est intéressant de lire la postface de cette édition : le journal de l’auteur pendant la mise en place et la réalisation de ce projet d’écriture. Il apparaît que parler d’Hitler est un vrai tabou alors que l’auteur ne le pense pas si différent des autres hommes. Son projet a d’ailleurs été mal accepté par quelques uns de ses proches. Cependant, dans ce roman, il ne s’agit nullement de justifier ou de pardonner à Hitler, mais plutôt d’expliquer, de montrer quel chemin extrême on peut prendre en étant simplement un homme.

S’il y a une chose qui peut gêner les lecteurs, c’est qu’à un moment, on ne peut s’empêcher de ressentir de la sympathie pour le personnage. Cependant, il suffit de quelques pages pour faire d’Adolf H. et de Hitler des hommes rendus différents par les circonstances et leurs choix : l’un est épanoui et l’autre est refermé, ce qui laisse présager la suite. Eric-Emmanuel Schmitt ne fait pas une fresque historique. On est  au contraire au plus profond de l’intimité des deux personnages. Bien sûr, le contexte politique et historique ne peut être ignoré puisqu’il influence toujours sur les vies. C’est moins la chronologie qui compte que l’implication des personnages dans les évènements. On peut noter l’impressionnant passage que celui qui se passe dans les tranchées, pour les deux personnages, et la tournure intéressante que prend la politique internationale sans Hitler à la tête du mouvement nazi pour mener à la Seconde Guerre mondiale. De là se pose la question : comment envisager un XXème siècle sans Hitler ? Que serait-il advenu de l’Allemagne ? Israël existerait-il ?

Eric-Emmanuel Schmitt présente dans son roman deux personnages antagonistes : partis du même point pour devenir deux opposés : un fou et un mégalomane ; un homme bien. Adolf H. aurait pu devenir n’importe quel homme, mais l’auteur  a choisi d’en faire l’exact contraire de son « original ». Sa posture est intéressante et on ne peut que noter les différences qu’on constate entre les deux personnages alors que le roman avance. J’ai trouvé cette lecture passionnante, ajouté à cela que le style de l’auteur est parfaitement fluide, précise. Ce récit est mené d’une main de maître et parvient presque à faire oublier le trouble d’une telle lecture pour nous plonger directement dans l’antre de la bête.

Challenge Uchronie

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Lu dans le cadre d’une lecture commune sur Livraddict organisé par Licorne. Voir les avis de Licorne, Mysweetlies, June