La Voie des Oracles, 1. Thya – Estelle Faye

Estelle FAYE
La Voie des Oracles, 1. Thya
Editions Scrineo, 2014
336 pages

Présentation de l’éditeur

La Gaule, Vème siècle après Jésus-Christ.

Cerné par les barbares, miné par les intrigues internes et les jeux du pouvoir, l’Empire romain, devenu chrétien depuis peu, décline lentement.

Les vieilles croyances sont mises au rebut, les anciens dieux se terrent au fond des bois, des montagnes et des grottes, les devins sont pourchassés par la nouvelle Eglise.

Thya, fille de l’illustre général romain Gnaeus Sertor, a toujours su qu’elle était une oracle. Il lui faut vivre loin de Rome, presque cachée, en Aquitania, perdue au milieu des forêts.

Que faire alors, quand son père, son protecteur, tombe sous les coups d’assassins à la solde de son propre fils ? Il faut fuir, courir derrière le seule chance qu’elle a de le sauver… Se fier à ses visions et aller vers Brog, dans les montagnes du nord, là où autrefois, Gnaeus a vaincu les Vandales. Et peut-être, le long de ce chemin pavé d’embûches et d’incroyables rencontres, voir le passé refaire surface et réécrire l’Histoire…


Thya a 5 ans quand elle découvre ses dons d’Oracle. Dans un Empire romain devenu chrétien, cela seul lui vaudrait d’être exécutée comme une sorcière. Aussi son père lui a fait quitter Rome, où il a une charge de sénateur, et il l’a conduite en Aquitania, dans une villa isolée où elle a pu développer ses dons. Elle a 16 ans quand, à la suite d’une partie de chasse, son père est attaqué par des assassins et laissé mourant. Craignant son frère, elle se lance sur les routes à la faveur d’une vision pour rejoindre Brog. Dans cette forteresse, elle en est certaine, elle trouvera le moyen de sauver son père. La jeune fille ne reste pas longtemps seule sur les routes de la Gaule : elle rencontre Enoch, un jeune maquilleur aux origines barbares, et Mettius, un ancien légionnaire qui a servi sous les ordres du général Gnaeus Sertor et qui était présent lors de ses exploits à Brog. Avec eux, elle s’initie au monde, à ses merveilles et à sa cruauté.

C’est la deuxième fois que je lis ce roman, et curieusement, je l’ai mieux aimé lors de cette relecture. J’ai (re)découvert cet univers, les personnages et les épreuves qu’ils traversent avec plaisir. A la réflexion, la première fois que j’ai ouvert ce livre, je m’attendais trop à retrouver une ambiance comme dans Porcelaine – conte chinois – ou dans Un éclat de givre – récit postapo à la première personne – et je pense que j’ai été un chouïa déçue. Ce n’est pas tant que ce roman n’a pas d’ambiance – au contraire : les routes incertaines de la Gaule au Vème siècle et les forêts aux créatures mythologiques créent une atmosphère bien particulière – plutôt qu’elle est moins marquée. J’ai trouvé de manière générale le style un peu en deçà des deux autres romans. Mais La Voie des oracles est plutôt destiné à un public jeunesse ou adolescent  et ainsi, le genre, les personnages et en conséquences les effets de la narration ne sont pas les mêmes.

J’ai beaucoup aimé cette intrigue et l’univers dans lequel elle se place. L’auteure décrit très bien les interactions entre le nouveau monde chrétien et celui des anciens dieux et des créatures mythologiques, qui existent toujours, qui doivent se cacher et qui tentent de lutter contre leur disparition. La grandeur de Rome est sur le point de devenir un souvenir : miné par les jeux de pouvoirs des patriciens, et affaibli par les attaques des Vandales au nord de la Gaule, les signes de sa décadence sont partout.

Thya est une héroïne qui a grandi seule, isolée du monde. Elle est droite, dure, fidèle à ses convictions et déterminée, et ses certitudes vont être chamboulées par tout ce qu’elle va vivre. Elle s’interroge aussi sur sa responsabilité en tant qu’oracle et sur les sacrifices que son don implique. Sa quête se complique quand le passé de sa famille ressurgit à Brog.

Si Thya est le personnage éponyme de ce premier tome, Enoch lui vole la vedette avec son tempérament plus enjoué. C’est un séducteur, ce qui lui vaudra des ennuis, mais avec ses origines nodes (les Nodes sont un peuple « barbare ») et son père romain, il ne s’est jamais bien intégré, ni chez les uns, ni chez ou les autres, et il a eu une enfance difficile. Il est ainsi plus nuancé et c’est qui le rend très intéressant. Les autres personnages sont aussi très intéressants : je pense notamment à Namitius, un jeune patricien oisif qui a été forcé de quitter et qui regrette Rome. Ou encore à Aylus et ce qu’il porte en lui.

La narration est efficace, quelques pauses permettent d’approfondir notre connaissance des personnages et l’intrigue prend un tournant vers la fin du roman qui donne envie de découvrir la suite. Lors du Book Club d’Hélène Ptitelfe, une personne a remarqué des incohérences historiques, mais n’étant pas une spécialiste de la période, cela ne m’a pas du tout gênée. Je suis, au contraire, très curieuse de me plonger dans le second tome et j’ai hâte de le découvrir.

Pour conclure sur ce premier tome de La Voie des Oracles, j’ai trouvé qu’il était un peu en deçà des autres romans que j’ai pu lire – et adorer – d’Estelle Faye, mais l’auteure développe un monde intéressant, des personnages touchants et on a envie de les suivre dans leurs aventures. C’est une lecture très agréable qui embarque son lecteur dans son univers et qui passionne !

 

Le Petit Chaperon rouge détourné. Il était plusieurs fois – Emmanuelle Bastien

Avril en albums est prolongé jusqu’au 15 mai ! Et tant mieux parce que je n’ai pas fini de vous parler d’albums ! Aujourd’hui je vous propose 1 album qui détourne joyeusement un conte bien connu : le Petit Chaperon Rouge.

Il était plusieurs fois

il était plusieurs foisd’Emmanuelle Bastien. Editions L’Atelier du poisson soluble, 2014.

« Il était encore une fois un Petit Chaperon rouge… » Et si, cette fois, on racontait une tout autre histoire ?

L’histoire commence comme toutes les histoires : « Il était une fois ». Le conte se déroule, sans texte. L’illustration se compose de formes imprimées sur le papier. Pourtant on reconnait bien notre Chaperon partir dans la forêt, rencontrer le loup… Et puis, la petite fille peste : « Non, non et non ! c’est toujours la même histoire ! » Alors on retourne le livre et les formes des illustrations ont beau être les mêmes, on plonge dans une toute autre histoire.

Cet album c’est une bibliothécaire qui m’a conseillé de le lire. Elle déplorait qu’il soit peu emprunté alors qu’il beau, neuf et très original. J’ai suivi ses conseils et je l’ai emprunté pour le lire, le relire et étudier sous toutes ses coutures, tellement cet objet est bizarre. Les autres adultes à qui je l’ai fait lire ont été plutôt dérouté par sa forme étrange. Pour ma part, il m’a beaucoup plu. C’est une merveilleuse manière de détourner le Petit Chaperon rouge.

Bien sûr, il est nécessaire de connaître le conte pour en apprécier le détournement. Ici ce sera nécessaire dans la première partie pour reconnaître le conte. Puis la place est laissée libre à l’imagination et à l’interprétation pour construire notre propre histoire. Je n’ai pas eu l’occasion de l’ouvrir avec des enfants, mais je pense qu’ils pourraient y trouver leur compte et ne pas être bloqué par le fait qu’il faut juste laisser courir son imagination.

Encore une fois, L’Atelier du Poisson soluble nous offre un album étrange, certes mais complètement original et qui joue avec nos attentes de lecteur pour nous entraîner dans une direction inconnue. Et j’adore ça !

Lire un extrait.

avril en albums

Que font les petites filles aujourd’hui ? – Nikolaus Heidelbach

Nikolaus HEIDELBACH
Que font les petites filles aujourd’hui ?
Editions Les Grandes personnes, 2014
64 pages

Présentation de l’éditeur

De Anne-Lise à Zoé, 6 petites filles nous entraînent dans leurs rêves et leur fantaisie. Courageuse comme Mandy qui se bat contre une plante carnivore, sournoise comme Hedwige qui attend que quelqu’un tombe dans son livre-piège ou confuse comme Cléo qui s’est trompée de salle de cinéma, ces petites filles sont bien loin des stéréotypes…

Il y a une vingtaine d’années paraissait Au Théâtre des filles, un abécédaire de Nikolaus Heidelbach mettant en scène des filles. Voici la suite, version début XXIe siècle. Les personnages sont toujours aussi émouvants, les situations décalées et l’humour au rendez-vous. L’on dit souvent des livres de Heidelbach qu’ils s’adressent directement aux enfants et passent difficilement par les adultes. Images sans concession : voici un univers qui n’arrondit pas les angles, loin du politiquement correct. Alors, êtes-vous prêts à repasser par la case enfance ?


Ce livre – et son pendant masculin Que font les petites garçons aujourd’hui ? – sont des abécédaires. Chaque double page est construite de la même manière : à droite, une image en pleine page ; à gauche, l’initiale supportée par un angelot, et une phrase expliquant l’image.

Ce que j’aime bien dans cet album, c’est que  tout n’est pas si évident. Je l’ai lu plusieurs fois et à chaque fois je découvrais de nouveaux détails. Les illustrations de droite reflètent un univers riche, étonnant et parfois un peu inquiétant, mais toujours très original. C’est fantastique et très imaginatif (oui, j’accumule les adjectifs, et alors ?) Le texte illustre, explique d’une manière décalée l’illustration (voir si dessous). Et puis les angelots sont tous différents.

Bref, cet album n’a pas un aspect très attirant au premier regard – je dois être la seule à l’avoir emprunté à la bibliothèque -, le style de dessin est quand même plutôt spécial. Mais il se révèle intéressant et riche. Les portraits de filles qu’il fait sont étonnants, jamais attendus et décalés, « loin des stéréotypes » effectivement. Que font les petits garçons aujourd’hui ? est construit selon le même principe, à part que les angelots sont remplacés par de petites diablesses. Je ne suis pas sûre que ce soit aussi sympa pour des enfants. Par contre, en tant qu’adulte, j’apprécie beaucoup le rendu.

avril en albums

Toi – Martine Bourre

Martine BOURRE
Toi
Editions MeMo, 2008

Deux êtres, un grand et un petit, se trouvent, s’aiment, se protègent, se cachent, se retrouvent. Toi c’est deux fois toi.

Martine Bourre a écrit et illustré un livre tout simple mais grand comme la vie.

Toutes nos peurs et nos bonheurs sont contenus dans ces pages.


Toi c’est un petit album qui fait se répondre un grand être bleu et un petit être orange. Ils dialoguent, jouent sur plusieurs pages. Les deux êtres ne sont pas vraiment identifiés, mais leur relation est très touchante. Elle m’a fait penser à une relation que peuvent avoir un grand et un petit, un adulte (parent, grand frère, grande sœur, etc.) et un enfant.

Le texte consiste en un dialogue entre ces deux êtres, chaque phrase étant écrite dans la couleur du personnage correspondant. Les illustrations sont très simples, on a de grandes formes colorées comme si elles avaient été peintes sur une feuille très granulée. Les images ont donc un grain particulier qui me plaît beaucoup.

Cette histoire est simple et belle, et c’est un petit coup de cœur.

Les éditions MeMo font des livres qui me plaisent beaucoup. Le papier et la couverture sont mates, plutôt épais, mais très doux au toucher. Leurs histoires, d’après ce que j’ai lu jusqu’à présent, sont jolies et touchantes. Parmi leurs auteurs, j’ai découvert Anne Crausaz, Malika Doray et Emilie Vast. Je vous conseille d’aller les découvrir.

avril en albums

La Guerre des Lulus – Régis Hautière et Hardoc

Régis HAUTIERE et HARDOC
La Guerre des Lulus
Casterman, 2013
3 tomes publiés – Série en cours

Présentation de l’éditeur

Lucas, Lucien, Luigi et Ludwig sont quatre des pensionnaires de l’orphelinat de l’abbaye de Valencourt en Picardie. Tout le monde les surnomme les Lulus. En cet été 1914, lorsque l’instituteur est appelé comme tant d’autres sous les drapeaux, personne n’imagine que c’est pour très longtemps. Et les Lulus ne se figurent évidemment pas une seconde que la guerre va déferler sur le monde finalement rassurant qu’ils connaissent. Bientôt, le fracas de l’artillerie résonne dans le ciel d’été. Il faut partir, vite. Mais lorsque la troupe évacue l’abbaye manu militari,les Lulus, qui ont une fois de plus fait le mur, manquent à l’appel. Sans l’avoir voulu, ils se retrouvent soudain à l’arrière des lignes allemandes.

  • La Guerre des Lulus, 1914. La Maison des enfants trouvés
  • La Guerre des Lulus, 1915. Hans
  • La Guerre des Lulus, 1916. Le Tas de brique

Lucas, Lucien, Luigi et Ludwig sont quatre amis qui adorent faire les 400 coups ensemble, si bien que l’instituteur et leurs responsable à l’orphelinat les appellent les « Lulus ». Un jour de 1914, l’instituteur est mobilisé pour combattre contre l’Allemagne, persuadé que la guerre ne durera pas. Pourtant quelques semaines plus tard, l’armée fait évacuer l’orphelinat et le village voisin car celui-ci se trouve dans le périmètre de bombardement de l’armée allemande. Les Lulus, partis construire une cabane au fond des bois n’ont rien vu, et quand ils rentrent le soir, les lieux sont déserts. Sans le savoir, ils sont coincés derrière les lignes allemandes.

Série publiée pour le centenaire de la Première Guerre mondiale – à raison d’un tome par an jusqu’en 2018 (du moins, je suppose que c’est le projet, vu le rythme de parution actuel)-, La Guerre des Lulus est une chouette série de BD à conseiller à tout le monde. On révise assez peu son histoire de la Guerre mondiale, mais on suit les aventures des Lulus, bientôt rejoints par une Luce , alors qu’ils tentent de survivre et d’échapper aux soldats. On a donc à la fois une histoire de guerre, une aventure et aussi le récit d’une amitié entre ces garçons.

J’ai beaucoup aimé la façon dont leur relation est amenée au début du premier tome. Ils n’ont pas forcément des caractères compatibles, mais partager la même chambrée les a rapprochés. Ils restent des enfants dans la guerre, gardent une certaine naïveté malgré les dangers auxquels ils sont confrontés, et les paroles qu’ils échangent font parfois penser à un dialogue de La Guerre des boutons : effronterie, lucidité et candeur malgré tout. Le résultat est amusant et non dénué de tendresse : tout pour me plaire !

Les aventures de ces trois tomes nous montrent des ambiances complètement différentes de la guerre. Ils sont d’abord relativement épargnés, avant de plonger dans la vie à l’arrière des lignes de front. Chaque tome est très bien construit, retransmet la vie telle qu’on pouvait la vivre à ce moment-là. On ne voit pas les combats au front, mais ceux-ci sont évoqués de manière détournée et les aventures des Lulus se concentrent plus sur la vie des civils. C’est fait avec suffisamment de subtilité pour que les allemands – les ennemis dans l’histoire – ne soient pas caricaturés ; cette absence de manichéisme est grandement appréciable. Et il y a suffisamment de suspens d’un tome à l’autre pour inciter à lire la suite.

Les personnages sont attachants et, Première Guerre mondiale ou pas, c’est plus cet aspect-là qui m’attire que le conflit en lui-même. Je vous invite donc à vous pencher sur cette bande dessinée qui plaira à tous les âges. C’est une excellente série et j’attends avec impatience de retrouver les Lulus l’année prochaine !

Des BD en bref #1

En ce moment, je fais des découvertes BD, du genre que je ne chronique pas. Parce que j’ai plus de mal à construire un discours argumenté de la taille d’une chronique comme je le fait pour les romans. Et puis, comme les séries sont rarement terminées ou que je ne les ai pas lues en entier, je ne peux pas en parler autant dans le détail que je le voudrais. Du coup, je fais un peu ce que je faisais, il fut un temps, pour les films. Aujourd’hui, sélection orientée « jeunesse » (mais que les plus grands peuvent lire aussi, évidemment).

Anuki, Stéphane Sénégas et Frédéric Maupomé

Editions de La Gouttière, 2011. 5 tomes parus.

Présentation de l’éditeur : La vie d’un petit Indien, ça n’est pas facile tous les jours…. Anuki, garçon vif et attachant, part à la recherche de son jouet perdu et rencontre en chemin des animaux dangereux ou farceurs.

Ces albums sans texte narrent les aventures rocambolesques d’Anuki, un petit Indien, à qui il arrive tout et n’importe quoi (dont une confrontation avec un ours, des castors, des poules…). La personnage est attachant, et très expressif ; c’est très drôle, s’avale en quelques bouchées pour des adultes, mais c’est l’idéal pour faire découvrir la BD a des enfants. Ce sont de très bons albums « premières lectures » certes, mais les plus grands auront tort de s’en passer !

Pico Bogue, 1. La vie et moi, Dominique Roques et Alexis Dormal

Editions Dargaud, 2008. 8 tomes parus.

Présentation de l’éditeur : Pico Bogue est le fils aîné d’une famille tout ce qu’il y a de plus normal, c’està- dire unique, extraordinaire et parfois complètement folle ! Avec sa petite soeur Ana Ana, Pico évolue dans la vie avec autant de certitudes que d’interrogations, ce qui vaut à ses parents et grands-parents des crises de toutes sortes : crises de rire, crises de désespoir, crises d’amour toujours !

Pico Bogue est comparé par certains à Calvin et Hobbes, mais n’en ayant jamais lus, je serais bien en peine d’émettre un avis. En tous cas, je me suis bien marrée en lisant les réflexions de Pico, à ses parents, à ses amis, à sa soeur, ou à tous ceux qui partagent sa vie. C’est plein de tendresse et d’humour, avec la pertinence et l’impertinence que peuvent avoir les enfants. Je pense toutefois que c’est un genre d’humour qui parlera plus aux adultes, mais que personne ne se restreigne à lire cette série !

Otto, Frodo Decker

Editions Kramiek, 2014. 2 tomes parus.

Présentation de l’éditeur : Otto est une succession de gags, rythmée par les incroyables péripéties du protagoniste, Otto. Un parcours truffé de rencontres insolites, de l’humour qui côtoie la poésie confèrent à cet album une essence particulière. Démarrez le voyage!

Encore un album sans texte, où se succèdent au rythme effréné des petites cases les aventures d’Otto. Presque noyade, rencontre avec des sirènes, puis l’arche de Noé, puis des extraterrestres ; envol, courses poursuites, chutes, peau de bananes… Le tout à une vitesse folle et avec quelques gags récurrents (le pauvre chimpanzé quand j’y pense…). Encore une fois, c’est très drôle, plein d’inattendus et de retournements de situation ; et cela peut se lire aussi bien par les petits que par les plus grands.

Biguden, 1. L’Ankou, Stan Silas

Editions EP, 2014. 3 tomes parus.

Présentation de l’éditeur : Goulwen vit avec sa mère et sa grand-mère dans une petite maison au bord d’une falaise bretonne. Son quotidien est bouleversé par l’arrivée d’une jeune Japonaise, survivante d’un naufrage. La confrontation entre les deux cultures va d’abord être explosive !

C’est la première série véritablement narrative de cette série ; je veux dire par là que les autres tomes sont des épisodes pouvant se lire indépendamment les uns des autres. Alors que celle-ci forme une historie pleine et entière. Goulwen découvre un beau jour un bateau échoué en bas de la falaise et son étrange occupant. L’arrivée de la japonaise va causer de nombreux bouleversement dans une maison habitée par des créatures étranges invisibles aux yeux de tous. Des aventures sympas et drôles dans une Bretagne encore habitée par ses légendes et traditions. Que tout le monde peut lire également !

Tout et rien – Maureen Dor et Cédric Babouche

Couverture - Tout et rien

Tout et rien

Maureen Dor et Cédric Babouche

Editions Clochette, 2014

25 pages

Présentation de l’éditeur

Que se passe-t-il quand l’homme le plus riche de la ville perd la clef de son coffre et que l’homme le plus pauvre de la ville trouve une chaîne en or avec une clef au bout ?

Leur vie change, mais eux, changent-ils ?

Mon avis

Monsieur Picaillon est très riche, il peut s’acheter tout ce qu’il veut et il a de nombreux amis qui viennent pour ses fêtes et sa grosse télé. Basile-le-fil est très pauvre, il aime bien sa vie sans superflu : le soleil, le vent, ses amis. Un jour, Monsieur Picaillon perd la clef de son coffre. Pour vivre, il se retrouve à vendre tout le superflu et il perd ses amis qui ne peuvent plus profiter de ses richesses. Basile, lui, trouve une chaîne en or avec un clef au bout. N’ayant rien à enfermer, il la porte autour du coup, suscitant la jalousie de ses amis. Les deux personnages, que tout oppose, ont jusque là fait leur chemin séparément, l’un sur la page de gauche, l’autre sur celle de droite. Puis ce qui n’aurait pas du arrivé arriva : ils se rencontrèrent et les choses rentrèrent dans l’ordre.

La fin de cette histoire aurait presque un gout amer et fataliste. Là où on aurait attendu une petite morale sur le bonheur et l’argent, sur la rencontre entre pauvreté et richesse, malheureusement, et de manière très réaliste, on en revient à la situation initiale. La morale est bien là, mais elle laisse songeur et fait réfléchir sans imposer de raccourci simpliste.

Je ne m’attendais pas à cette conclusion et j’ai vraiment beaucoup apprécié découvrir cet album. Papier épais, couverture mate, dessin en nuances de gris à l’aquarelle, avec juste ce qu’il faut de couleur pour souligner un élément de l’histoire. Le dessin est sympathique et colle tout à fait à l’historie. C’est donc un bel objet.

L’ayant reçu pour la Masse Critique de Babelio sur la Jeunesse de l’éditrice même, j’ai découvert avec grand plaisir la dédicace personnalisée.

En conclusion un bel album qui fera réfléchir les enfants sur l’argent, le dénuement, la qualité de vie et d’amitié que ces deux situations génèrent. Je le recommande chaudement !

Bric-à-Brac – Maria Jalibert

Couverture - Bric-à-brac

Maria JALIBERT

Bric-à-Brac

Editions Didier Jeunesse, 2013

96 pages

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Présentation de l’éditeur

Le temps d’un livre, l’illustratrice Maria Jalibert nous dévoile sa collection de jouets miniatures. Les combinaisons surprennent par leur poésie, leurs fantaisie – orange rangé, rose désordre, tout seul / ensemble, haut les mains, etc. – et leur façon d’assumer ce qui fascine les petits : des derrières, des squelettes, des choses qui brillent…

Un imagier étonnant, déjanté parfois, poétique et ludique ! Pour les amoureux des photos, des jouets rétro, pour les petits rêveurs et les grands enfants.

Mon avis

Autant l’annoncer tout de suite : cet album est un coup de coeur !

Maria Jalibert a sorti tous ses jouets en plastiques et les a rangés, associés, dérangés, classés selon des thèmes ou des logiques bien particulières : par couleur, par taille, par ordre alphabétique, les poissons d’un côté, les jouets cassés de l’autre, ceux qui évoquent la guerre, les animaux…

Chacune des pages est une surprise : les jouets sont vraiment installés de manière étonnante et pas toujours évidente. C’est un régal pour les yeux, c’est drôle, très ludique.

On a des finalités assez classiques qui sont l’apprentissage des chiffres, des formes et des couleurs, et puis il y a des assemblages qui détonnent, qui amusent. Et ça marche pour les petits comme pour les plus grands.

J’ai personnellement pris un grand plaisir à feuilleter puis examiner cet imagier. Il recèle de nombreuses surprises et puis c’est juste très beau ! (oui, cet avis est loin d’être aussi construit qu’il devrait l’être. Pour ma défense, cette lecture date de quelques mois et j’ai tendance à avoir une mémoire de poisson rouge… Pour plus de précisions, je vous invite à lire la chronique sur le site Ricochet).

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Dans la cour de mon école – Sylvain Victor

Couverture - Dans la cour de mon école

Sylvain VICTOR

Dans la cour de mon école

Editions Thierry Magnier, 2009

30 pages

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Présentation de l’éditeur

Dans la cour de l’école, on retrouve toujours les mêmes… Il y a Pierre, le plus grand fournisseur en crottes de nez de l’école, il y a Franck, qui devient bête quand il voit Sabine parce qu’il est trop amoureux d’elle, il y a Valentin, accusé d’avoir peint le hamster de la classe en bleu. Et puis il y a Manu et Mona…

Mon avis

Manu et Mona présentent chacun les enfants qui sont dans la cour de leur école. Chacun prend la parole grâce à un habile procédé : on a d’abord la vision du premier, puis l’on doit retourner le livre pour avoir celle de la deuxième. L’un voit l’une des filles très discrète, l’autre prend la même fille pour une spécialiste du kung-fu. Leurs points de vue s’opposent, se complètent, montrant un aspect différent de chacun des enfants, et se rejoignent au milieu du livre, où Mona, à l’envers, et Manu, à l’endroit – ou inversement – se disent des mots doux.

Malgré un arrière gout d’étrangeté que je n’ai pas réussi à identifier – peut-être à cause du dessin -, j’aime bien cet album qui s’attache à montrer que d’une personne à l’autre, les avis et les considérations sur ceux qui les entourent changent en fonction de ce qu’ils ont vécu avec eux. Il m’a surpris au départ, mais a su me charmer avec ses traits d’humour et ses couleurs incongrues. J’ai trouvé que c’était une belle façon de traiter de la différence tout en démystifiant les terreurs de la récré.

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Max – Sarah Cohen-Scali

Couverture - Max

Sarah COHEN-SCALI

Max

Editions Gallimard Jeunesse, 2013

468 page

Collection Scripto

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Présentation de l’éditeur

« 19 avril 1936. Bientôt minuit. Je vais naître dans une minute exactement. Je vais voir le jour le 20 avril. Date anniversaire de notre Führer. Je serai ainsi béni des dieux germaniques et l’on verra en moi la premier-né de la race suprême. La race aryenne. Celle qui désormais régnera en maître sur le monde. Je suis l’enfant du futur. Conçu sans amour. Sans Dieu. Sans Loi. Sans rien d’autre que la force et la rage. Je mordrai au lieu de téter. Je hurlerai au lieu de gazouiller. Je haïrai au lieu d’aimer.

Heil Hitler ! »

Max est le prototype parfait du programme « Lebensborn » initié par Himmler. Des femmes sélectionnées par les nazis mettent au monde de purs représentants de la race aryenne, jeunesse idéale destinée à régénérer l’Allemagne puis l’Europe occupée par le Reich.

Une fable historique fascinante et dérangeante qu’on ne peut pas lâcher. Une lecture choc, remarquablement documentée, dont on ne sort pas indemne.

Mon avis

Max est né le 20 avril 1936 à Steinhöring. Sa mère a été sélectionnée pour s’accoupler avec un officier SS et débuter le programme « Lebensborn » : la fabrique d’une jeunesse aux critères aryens soigneusement préservés. Il naît le jour de l’anniversaire d’Hitler et il est le prototype de l’aryen parfait. Cela fait de lui un enfant à part. Il ne sera pas adopté par de riches familles allemandes comme les autres enfants nés de cette manière. Il prend une place centrale dans le programme « Lebensborn » et aussi dans l’enlèvement d’enfants polonais par les troupes allemandes. On le verra intégrer des écoles pour les Jeunesses Hitlériennes, jusqu’à ce que la guerre arrive aux portes de Berlin.

Une fois que je me suis faite au parti pris de l’auteur qui consiste à nous confier les pensées d’un bébé qui pense comme un adulte un brin cynique, et qui a des valeurs nazies – parti pris qui fait alors froid dans le dos -, j’ai été plongée dans ce roman. C’est assez fascinant d’être dans la tête d’un enfant qui voit et assiste à des choses auxquelles il ne devrait même pas avoir conscience. Cependant, le personnage reste humain, et même s’il a une manière bien à lui d’exprimer ses doutes et sa tristesse, on se prend à souhaiter qu’il s’en sorte – physiquement et moralement. Il est très précoce, et il va vivre des trucs abominables. Il va quand même se trouver un grand frère étonnant et à s’y attacher.

L’auteur utilise un langage franc et cru, déjà adulte, malgré ce décalage avec l’âge de son personnage. L’enfant ne se remet jamais en question, il est trop jeune pour ça, et il faut alors se faire au fait de recevoir les faits bruts de pomme, sans recul ni filtre qui les rendrait pas plus acceptable, mais moins inhumains.

Cette plongée dans le programme d’idéologisation de la jeunesse allemande donne bien souvent la nausée – après tout, ça s’est vraiment passé. Ce roman décrit un aspect du nazisme dont on parle assez peu. En cours d’Histoire, au collège ou au lycée, quand on parle de l’Allamagne Nazie, on entend beaucoup parler de la Shoah, des aspects du totalitarisme. L’embrigadement de la jeunesse est évoqué sans qu’on y donne de détails. Ce roman nous plonge dans ces détails (les sélections sur des critères physiques, l’instruction, la discipline, etc.) et j’ai apprécié ce réalisme historique, même s’il est loin d’être réjouissant.

La collection Scripto des Editions Gallimard s’adressent aux adolescents à partir de 13 ans. Mais je ne peux m’empêcher de me dire que ce roman-là sera lu plus facilement et mieux compris par des plus vieux. Du haut de mes 22 printemps, j’ai trouvé ça dur, sans être vraiment choquée. J’ai été prise dans cette lecture au point d’avaler ces 470 pages en deux jours. Je conseille ce roman pour les personnes qui aiment lire sur cette période de l’Histoire. Le propos est dur, mais je le trouve éclairant. Et, mine de rien, on s’y attache, à Max.

Lu pour le Baby Challenge Jeunesse

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