Estelle FAYE
La Voie des Oracles, 1. Thya
Editions Scrineo, 2014
336 pages
Présentation de l’éditeur
La Gaule, Vème siècle après Jésus-Christ.
Cerné par les barbares, miné par les intrigues internes et les jeux du pouvoir, l’Empire romain, devenu chrétien depuis peu, décline lentement.
Les vieilles croyances sont mises au rebut, les anciens dieux se terrent au fond des bois, des montagnes et des grottes, les devins sont pourchassés par la nouvelle Eglise.
Thya, fille de l’illustre général romain Gnaeus Sertor, a toujours su qu’elle était une oracle. Il lui faut vivre loin de Rome, presque cachée, en Aquitania, perdue au milieu des forêts.
Que faire alors, quand son père, son protecteur, tombe sous les coups d’assassins à la solde de son propre fils ? Il faut fuir, courir derrière le seule chance qu’elle a de le sauver… Se fier à ses visions et aller vers Brog, dans les montagnes du nord, là où autrefois, Gnaeus a vaincu les Vandales. Et peut-être, le long de ce chemin pavé d’embûches et d’incroyables rencontres, voir le passé refaire surface et réécrire l’Histoire…
Thya a 5 ans quand elle découvre ses dons d’Oracle. Dans un Empire romain devenu chrétien, cela seul lui vaudrait d’être exécutée comme une sorcière. Aussi son père lui a fait quitter Rome, où il a une charge de sénateur, et il l’a conduite en Aquitania, dans une villa isolée où elle a pu développer ses dons. Elle a 16 ans quand, à la suite d’une partie de chasse, son père est attaqué par des assassins et laissé mourant. Craignant son frère, elle se lance sur les routes à la faveur d’une vision pour rejoindre Brog. Dans cette forteresse, elle en est certaine, elle trouvera le moyen de sauver son père. La jeune fille ne reste pas longtemps seule sur les routes de la Gaule : elle rencontre Enoch, un jeune maquilleur aux origines barbares, et Mettius, un ancien légionnaire qui a servi sous les ordres du général Gnaeus Sertor et qui était présent lors de ses exploits à Brog. Avec eux, elle s’initie au monde, à ses merveilles et à sa cruauté.
C’est la deuxième fois que je lis ce roman, et curieusement, je l’ai mieux aimé lors de cette relecture. J’ai (re)découvert cet univers, les personnages et les épreuves qu’ils traversent avec plaisir. A la réflexion, la première fois que j’ai ouvert ce livre, je m’attendais trop à retrouver une ambiance comme dans Porcelaine – conte chinois – ou dans Un éclat de givre – récit postapo à la première personne – et je pense que j’ai été un chouïa déçue. Ce n’est pas tant que ce roman n’a pas d’ambiance – au contraire : les routes incertaines de la Gaule au Vème siècle et les forêts aux créatures mythologiques créent une atmosphère bien particulière – plutôt qu’elle est moins marquée. J’ai trouvé de manière générale le style un peu en deçà des deux autres romans. Mais La Voie des oracles est plutôt destiné à un public jeunesse ou adolescent et ainsi, le genre, les personnages et en conséquences les effets de la narration ne sont pas les mêmes.
J’ai beaucoup aimé cette intrigue et l’univers dans lequel elle se place. L’auteure décrit très bien les interactions entre le nouveau monde chrétien et celui des anciens dieux et des créatures mythologiques, qui existent toujours, qui doivent se cacher et qui tentent de lutter contre leur disparition. La grandeur de Rome est sur le point de devenir un souvenir : miné par les jeux de pouvoirs des patriciens, et affaibli par les attaques des Vandales au nord de la Gaule, les signes de sa décadence sont partout.
Thya est une héroïne qui a grandi seule, isolée du monde. Elle est droite, dure, fidèle à ses convictions et déterminée, et ses certitudes vont être chamboulées par tout ce qu’elle va vivre. Elle s’interroge aussi sur sa responsabilité en tant qu’oracle et sur les sacrifices que son don implique. Sa quête se complique quand le passé de sa famille ressurgit à Brog.
Si Thya est le personnage éponyme de ce premier tome, Enoch lui vole la vedette avec son tempérament plus enjoué. C’est un séducteur, ce qui lui vaudra des ennuis, mais avec ses origines nodes (les Nodes sont un peuple « barbare ») et son père romain, il ne s’est jamais bien intégré, ni chez les uns, ni chez ou les autres, et il a eu une enfance difficile. Il est ainsi plus nuancé et c’est qui le rend très intéressant. Les autres personnages sont aussi très intéressants : je pense notamment à Namitius, un jeune patricien oisif qui a été forcé de quitter et qui regrette Rome. Ou encore à Aylus et ce qu’il porte en lui.
La narration est efficace, quelques pauses permettent d’approfondir notre connaissance des personnages et l’intrigue prend un tournant vers la fin du roman qui donne envie de découvrir la suite. Lors du Book Club d’Hélène Ptitelfe, une personne a remarqué des incohérences historiques, mais n’étant pas une spécialiste de la période, cela ne m’a pas du tout gênée. Je suis, au contraire, très curieuse de me plonger dans le second tome et j’ai hâte de le découvrir.
Pour conclure sur ce premier tome de La Voie des Oracles, j’ai trouvé qu’il était un peu en deçà des autres romans que j’ai pu lire – et adorer – d’Estelle Faye, mais l’auteure développe un monde intéressant, des personnages touchants et on a envie de les suivre dans leurs aventures. C’est une lecture très agréable qui embarque son lecteur dans son univers et qui passionne !