Funérailles célestes – Xinran

XINRAN
Funérailles célestes (traduit par Maïa Bhârathî)
 Postface de Claude B. Levenson
Editions Philippe Picquier, 2005
190 pages

Présentation de l’éditeur

Funérailles célestes est une histoire d’amour et de perte, de loyauté et de fidélité au-delà de la mort. Xinran dresse le portrait d’une femme et d’une terre, le Tibet, toutes les deux à la merci du destin et de la politique.

En 1956, Wen et Kejun sont de jeunes étudiants en médecine, remplis de l’espoir des premières années du communisme en Chine. Par idéal, Kejun s’enrôle dans l’armée comme médecin. Peu après, Wen apprend la mort de son mari au combat sur les plateaux tibétains. Refusant de croire à cette nouvelle, elle part à sa recherche et découvre un paysage auquel rien ne l’a préparée – le silence, l’altitude, le vide sont terrifiants. Perdue dans les montagnes du nord, recueillie par une famille tibétaine, elle apprend à respecter leurs coutumes et leur culture. Après trente années d’errance, son opiniâtreté lui permet de découvrir ce qui est arrivé à son mari…

Quand Wen retourne finalement en Chine, elle retrouve un pays profondément changé par la Révolution culturelle et Deng Xiaopong. Mais elle aussi a changé : en Chine, elle avait toujours été poussée par le matérialisme ; au Tibet, elle a découvert la spiritualité.


 Dans le cadre de son travail de journaliste à la radio, Xinran recueillait des témoignages de femmes. Un jour, l’une d’elles lui suggère de rencontrer une vieille femme étrange et vêtue à la tibétaine. Xinran se rend sur place et rencontre Shu Wen qui lui raconte son histoire. Pendant deux jours, Xinran écoute Shu Wen, subjuguée. Puis, celle-ci disparaît. Xinran, sidérée par son récit extraordinaire, n’a pas pu lui poser toutes les questions qu’elle aurait du pour rendre son histoire la plus complète possible. Elle a fini par l’écrire, dans l’espoir aussi d’atteindre Shu Wen par la publication du livre.

Shu Wen a épousé Kejun à la fin des années 1950. Idéaliste, celui-ci s’engage dans l’armée en tant que médecin. Il est envoyé au Tibet où il meurt deux mois plus tard. Persuadée qu’il vit toujours – les explications officielles ne sont pas claires – Wen s’engage à son tour dans l’armée comme médecin et part sur les traces de son mari. Son expédition tourne mal et elle se retrouve perdue dans les montagnes, en pleine nature sauvage et glacée. Elle est recueillie par une famille tibétaine nomade et découvre leur vie et leurs coutumes.

Ce livre est un excellent moyen de découvrir le Tibet – du moins sa partie très montagneuses, parcourue par des familles nomades et leurs troupeaux  – et sa culture. En effet, c’est un vrai choc culturel qui est décrit ici, tant Chine et Tibet sont différents et s’opposent. Il ne faut pas s’attendre avec ce livre à un récit sur le conflit entre la Chine et la Tibet et ses prolongements que l’on peut avoir encore aujourd’hui (l’appel au boycott lors des JO de Pékin, par exemple). Le récit est celui de la vie de Shu Wen qui a vécu des année dans cette famille coupée de tout, isolée au point qu’aucune nouvelle du conflit ou de la situation en Chine ne lui est parvenue. Et tout cela est aussi raconté par le prisme de Xinran, qui raconte ce que Wen lui a confié, mais aussi sa rencontre avec cette femme à la vie étonnante.

Cette histoire est triste, dépaysante – c’est bien le moins qu’on puisse dire – mais aussi très belle. Que ce soit la persévérance de Wen dans sa recherche, la bienveillance des gens qu’elle rencontre ou son amour toujours vif pour Kejun, il n’y a pas de quoi rester insensible. Je parlais de dépaysement et c’est aussi le plus fascinant dans cette histoire : la découverte des coutumes tibétaines, très empruntes de religion, dans la vie quotidienne comme dans les festivités, jusqu’au rituel des funérailles célestes (si vous ne savez pas ce que c’est, lisez le livre !). Ce qui nous est montré est aussi une vie sereine, en harmonie avec son environnement, cette nature parfois terrifiante. La  confrontation avec les chinois, dans leur course au progrès est d’autant plus violente… 8470b-abc2016

No Angel – Jay Dobyns

Jay DOBYNS et Nils JOHNSON-SHELTON
No Angel. Mon voyage épuisant d’agent infiltré au sein des Hells Angels
(traduit par Daniel Lemoine)
Editions 13e Note, 2010
511 pages

Présentation de l’éditeur

Une histoire vraie, un flic infiltré chez les Hells Angels.

« – Deux ou trois choses. Premièrement : si tu veux abattre quelqu’un, tire dans la tête. Deuxièmement : si tu pointes un fusil sur moi, t’as intérêt à avoir l’intention de t’en servir. Et, troisièmement : je t’emmerde, tire tout de suite, sinon je te tabasse avec ton flingue puis je t’encule sur le capot de ma voiture. »


No Angels raconte comment Jay « Bird » Dobyns, flic au Bureau « Tabacco, Alcool and Firearms », a pris part à une opération d’infiltration des Hells Angels, ce groupe de motards marginaux et violents. Ce n’est pas son premier travail d’infiltration. Il s’est déjà construit un personnage, et sous le pseudonyme de Bird, il vend et achète des armes, a un passé de toxicomane et a intégré un club de motards, les « Solos Angeles ».

 Avec d’autres policiers et un informateur, il entre en contact avec les Hells Angels d’Arizona afin d’amasser des preuves contre eux pour pouvoir les inculper devant un tribunal. Jay Dobyns nous raconte alors cette mission, et toutes les relations qu’il lie avec des Hells Angels à travers son personnage de Bird. A travers son récit, il décrit à la fois le fonctionnement de ces gangs et des valeurs parfois paradoxales qui les composent, et ce que vit un flic infiltré. Les Hells Angels sont un groupe marginal très structuré avec des règles très strictes pour intégrer le gang, tout en représentant la liberté et la solidarité. La mission d’infiltration est aussi très éprouvante pour l’auteur. Il doit assister à des choses avec un sentiment tout en en montrant un autre, il ne peut pas agir comme il le voulait. Comme les Hells Angels l’aiment bien, ils le sollicitent et l’impliquent de plus en plus dans leurs affaires, tandis que lui les côtoient avec des sentiments contradictoires – appréciant certaines qualités de ces hommes tout en restant conscient de ce dont ils sont capables.

Tout cela est très bien raconté par l’auteur qui arrive à embarquer son lecteur dans ce tourbillon qui l’a embarqué lui. Cet univers – tant celui des Hells Angels que celui des agents infiltrés – est très fascinant. Jay Dobyns a été lessivé par cette mission et on sent bien la tension qui finit par apparaître au fil des pages. Ses propos sont très francs, il ne fait pas de bons sentiments, témoignant simplement et avec force de son métier et de son expérience.

Je ne suis pas sûre que ce roman soit toujours disponible – sa maison d’édition n’existant plus – ce qui m’interroge d’ailleurs sur l’intérêt de cette chronique. Mais sait-on jamais ? En tous cas, j’ai beaucoup aimé cette lecture et cette autobiographie m’a bien intéressée.

Le garçon qui volait des avions – Elise Fontenaille

Présentation de l’éditeur

C’est l’histoire véridique de Colton Harris-Moore, emprisonné aux États-Unis l’été dernier. A huit ans, il est accusé à tort du vol d’un vélo et déclare la guerre à la police. Il s’enfuit du foyer où on l’a placé et vit seul dans la forêt. Après des glaces au chocolat, des pizzas, des voitures de luxe et des bateaux, il dérobe son premier avion à seize ans, devenant ainsi l’ennemi public numéro un de San Juan, une petite île au large de Seattle.

Comme des milliers d’ados dans le monde entier, et quelques adultes aussi, Elise Fontenaille est devenue une fan de Colton sur Facebook. S’inspirant de sa vraie vie, elle nous raconte l’histoire de celui qu’on surnomme désormais « le bandit aux pieds nus ».

Mon avis

Petit récit, mais d’une telle intensité ! Ça aurait été raconté autrement, ça n’aurait pas été aussi prenant, aussi touchant. On a des témoignages : celui de la mère de Colton, celui des voisins, celui d’un policier, celui d’une éducatrice qui l’a connu. Et celui de Colton bien sûr. On comprend par ce récit orchestré par Elise Fontenaille les milliers de fans sur FB, on rêve aussi de pouvoir partir n’importe où, de bouger sans cesse d’être son propre maitre. On jubile en lisant les tours joués aux policiers et on frissonne face à l’animosité qu’il provoque chez certains. Il n’y a rien de grave dans ces actes : il prend une voiture et la laisse quelques kilomètres plus loin. Pareil pour les avions ou les bateaux. Il laisse un petit mot aussi : « merci ». Et ça énerve au plus haut point ceux qui le traquent : pas seulement les policiers, parce qu’en soit, il n’est pas un meurtrier, pas dangereux, mais les voisins aussi. Il finit avec une prime de 10 000 dollars sur la tête – et des milliers de gens qu’il a fait rêver…

Gros coup de cœur pour un petit roman. Parce que tout ça n’est pas aussi simple que ça en a l’air.

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  • Références :

Elise FONTENAILLE. Le garçon qui volait des avions. Editions Rouergue, 2011. 59 pages. Collection DoAdo