Johan HELIOT
La Trilogie de la lune, 1. La lune seule le sait
Editions Folio SF, 2007
367 pages
Présentation de l’éditeur
Printemps 1889. Un vaisseau hybride de chair et de métal fait irruption dans le ciel de Paris, stupéfiant la foule venue célébrer la clôture de l’Exposition universelle. L’humanité entre en contact avec les extraterrestres Ishkiss et découvre une technologie qui surpasse ses rêves les plus fous.
Dix ans plus tard, l’Europe s’est transformée grâce à l’alliance rendue possible entre la vie et le métal. Pourtant, la révolte gronde, menée par les artistes et les écrivains exilés en Amérique. La science fabuleuse apportée par les créatures d’outre-espace est devenue un instrument d’oppression entre les mains de l’Empereur français. Les droits des peuples sont bafoués, les opposants déportés grâce à la nef ishkiss vers le nouveau bagne que Louis Napoléon vient d’inaugurer dans les entrailles de la Lune.
Quels sont les véritables desseins des alliés du maître de l’Empire ? La réponse offre la clé de l’éternité. Un seul homme sur Terre est peut-être capable de l’entrevoir : celui dont les rêves à présent dépassés ont à longueur de pages fasciné ses semblables…
- Prix Rosny-Aîné 2001 : meilleur roman de science-fiction francophone.
- Première édition en 2000 aux éditions Mnémos.
J’ai emprunté ce roman complètement par hasard – mais c’est ça qui est beau avec les bibliothèques publiques ! – ou plutôt j’ai emprunté La lune vous salue bien avant de me rendre compte que c’était le troisième tome d’une série. Je suis donc retournée à la bibliothèque pour rendre le tome 3 que je n’ai pas lu, afin d’emprunter le début et le lire – c’est ça aussi qui est beau avec les bibliothèques publiques !
Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre avec ce roman. En effet, la quatrième de couverture présentait plutôt un contexte général uchronique que l’introduction d’une intrigue. Quelle n’a pas été ma surprise de découvrir alors l’identité du personnage principal : Jules Verne lui-même !
Ce dernier est envoyé par Babiroussa (si je vous dis que sous ce pseudonyme se cache l’identité d’un autre écrivain très célèbre, exilé sous Napoléon III et dont le nom de famille est en fait un prénom commençant par un H… En fait, je ne sais plus s’il est directement nommé, mais vu les indices laissés par l’auteur, c’était flagrant), pour partir à la recherche de Louise Michel envoyée au bagne par Napoléon III, sur la Lune.
Oui, rien moins que ça !
Je rappelle le contexte : une race d’extra-humain a débarqué sur la Terre, à Paris par le plus grand des hasards, et s’est alliée à Napoléon III/Badinguet, lui permettant de mater la commune, de prolonger son règne malgré la maladie et de conquérir la Lune, laquelle est devenu une bagne et une destination touristique. La technologie développée grâce à l’alliance avec les extra-humains est donc d’esthétique steampunk, ce que Johan Heliot se plait à décrire avec une abondance de détails. L’univers est donc foisonnant, riche, mais il garde une cohérence avec les technologies et l’histoire de l’époque. L’auteur fait aussi appel à un bon nombre de personnages historiques – j’ai déjà cité Jules Verne, Louise Michel, Napoléon – on retrouve notamment Hetzel, l’éditeur de Jules Verne, Henri Barbusse, un autre écrivain. Et il s’amuse à retranscrire l’ambiance de la Commune avec l’opposition de deux systèmes et idéologies : les socialistes et les bourgeois. Lesquels font échos au mode de vie des extra-terrestres pensé comme un idéal.
Malheureusement, cet univers est mis en place au détriment de l’intrigue. C’est certes passionnant à découvrir, mais au bout d’un moment on s’impatiente et on se demande quand Jules va arrêter de s’extasier sur les infrastructures de la Lune pour mener à bien sa mission.
Ce n’est pas un coup de coeur, parce que j’ai moyennement aimé la fin. Pas tant comment elle se passe que la façon dont elle est écrite. On est passé d’une aventure classique à des scènes pathétiques (au sens « registre littéraire » du terme et non pas péjoratif) mais écrites de manière grandiloquente et ampoulée qui, d’un coup, ont tranché avec le reste et sont mal passées. Et puis quand les insultes ultimes sont « fieffé gredin » et « foutriquet », j’ai du mal à prendre le personnage qui les prononce au sérieux.
Le roman reste très linéaire dans sa construction, avec une alternance de chapitre entre ce qui se passe sur Terre et ce qui se passe sur la Lune. Et il reste très manichéen. Les méchants sont forcément très méchants et les gentils débordent de bonté, de générosité, de mansuétude. C’est du moins le sentiment que j’ai eu vers la fin du roman, avec les portraits qui sont faits de Napoléon et de ses sbires.
Autant j’étais impatiente de découvrir ce roman et cette série avant d’ouvrir le livre, autant je suis plus mitigée après l’avoir lu. Le prologue laissait entendre monts et merveilles à propos de ce roman :
Mais pour s’arracher à l’inertie du sol, il faut la conjonction de plusieurs éléments décisifs dont le moindre n’est pas le faculté de RÊVER. Alors si vous le voulez bien, stoppons là nos tergiversations et partageons le rêve de ceux qui ont voulu décrocher la Lune et l’ont fait. Et si ce rêve revêt plus souvent qu’à son tour des allures de cauchemar, souvenez-vous que l’éveil attend au bout de la nuit.
Cela met l’eau à la bouche, n’est-ce pas ? Si c’est donc ce que vous ressentez, je ne peux que vous encourager à allez lire ce roman, pour découvrir cet univers et suivre Jules Verne, écrivain qui a par ailleurs rêvé de découvrir la Lune dans ses romans – j’ai vu par ailleurs de très bons avis à son sujet. Pour moi, au delà du rêve qu’il propose, il revêt trop souvent un aspect caricatural pour que j’ai finalement envie de me pencher sur la suite.