Au sortir de l’ombre – Syven

 

 

 

SYVEN
Au sortir de l’ombre
Editions du Riez, 2011
421 pages
Collections Brumes étranges

Présentation de l’éditeur

Londres, 1889. La Guilde d’Ae protège les aethrynes depuis des siècles pour qu’elles se consacrent à leur tâche : garder piégés dans leur ombre de sinistres monstres avides de massacre, les gothans. Lorsque la secte des némésis s’attaque à ces prêtresses, l’organisation est ébranlée par la traîtrise de plusieurs agents d’importance. Les traqueurs William, Christopher et Heinrich, qui sont chargés de la protection de Lady Eileen pour une nuit n’imaginent pas les enjeux de la chasse dont ils font l’objet. Mais dans l’ombre d’Eileen, attentif, « Il » sait ce qui est sur le point de se jouer.


Les gothans sont des monstres. Même sous l’emprise d’une prêtresse et prisonnier de leur ombre, ils empoisonnent l’atmosphère et peuvent pénétrer les rêves des hommes pour en faire des pantins à leur service. Les traqueurs sont alors chargés de tuer ces hommes, de sortes qu’ils ne s’attaquent pas aux prêtresses. Car sans leur contrôle, les gothans seront libres.

La Guilde d’Ae parvient à mener à bien sa mission quand une secte s’en prend à ses agents et kidnappe plusieurs prêtresses. Eileen, qui contient dans son ombre un puissant gothan est l’une de leurs cibles. William, Christopher et Heinrich, trois traqueurs qui ont chacun un don singulier, sont chargés de sa protection. Nous découvrons particulièrement William, un grand homme noir, aux manières sophistiquées, mais spolié de son héritage par plus puissant que lui. Heinrich, Christopher et lui se retrouvent l’objet d’un noir complot qui vise la guilde et ses prêtresses.

Nous sommes projetés dans cet univers au coeur de l’action, en pleine nuit de chaos : une jeune femme est en fuite alors qu’un incendie fait rage non loin et qu’on semble la traquer. Le Gothan a déjoué la vigilance d’Eileen et en a profité pour déchaîner l’horreur. La situation est finalement contrôlée, mais voici qu’un an plus tard, c’est son protecteur qui est assassiné. Trahison, manipulation… l’ambiance est très sombre dans ce roman. On pourrait même lui attribuer d’autres qualificatifs : violent, sanglant par moments, mais aussi bien équilibré entre des scènes d’action ou de suspens, et la découverte de la Guilde d’Ae, de son fonctionnement et de ses secrets.

J’ai lu ce roman en plein milieu du marathon du Weekend à 1000 et c’est très bien passé. J’ai été bien prise dans l’action, ai apprécié les personnages – surtout les traqueurs – et suis passée par plein d’états en cours de lecture. Cette intrigue et l’écriture de l’auteur m’ont bien accrochée et j’ai passé un très bon moment avec ses lectures. L’idée même que les gothans puissent exister me fait frissonner. Bref, je suis très contente de cette lecture qui me conforte dans mon impression sur cette auteure : son travail est très bon ! J’avais déjà beaucoup apprécié La Guerrière Fantôme ; ici le roman m’a semblé plus dur, plus sombre, mais la lecture en a été plus intense. A lire si vous aimez ces ambiances !

 

Histoires Extraordinaires – Edgar Alan Poe

 

 

Edgar Alan POE
Histoires extraordinaires (traduit par Charles Baudelaire).
Editions Folio Classique, 2004
417p.
1ère édition (VF) : 1856.

Présentation de l’éditeur

« Voilà une femme étranglée par la force des mains, et introduite dans une cheminée, la tête en bas. Des assassins ordinaires n’emploient pas de pareils procédés pour tuer. Encore moins cachent-ils ainsi les cadavres de leurs victimes. Dans cette façon de fourrer le corps dans la cheminée, vous admettrez qu’il y a quelque chose d’excessif et de bizarre – quelque chose d’absolument  inconciliable avec tout ce que nous connaissons en général des actions humaines, même en supposant que les auteurs fussent  les plus pervertis des hommes. »


La chronique va être encore plus courte que d’habitude. En effet, je ne me sens pas très légitime à venir parler d’Edgar Alan Poe, ou en tout cas d’en faire une forme d’analyse. Je vais plutôt rester en surface.

Histoires extraordinaires est un recueil de nouvelles d’Edgar A. Poe, constitué par Baudelaire quand il a traduit ses textes pour l’édition française. Il n’aurait donc probablement pas eu la même cohérence si l’auteur lui-même aurait fait les mêmes regroupements. Mais j’ai trouvé ça intéressant puisque on retrouve des thématiques communes à plusieurs nouvelles, ce qui permet d’explorer plusieurs points de vue de l’auteur sur les thématiques en question.

On retrouve le célèbre Double assassinat dans la rue Morgue, en diptyque avec La Lettre volée qui présentent le même personnage de dandy qui résout des problèmes d’apparence insoluble grâce à son intellect. Poe est d’ailleurs l’un des précurseurs du roman policier. Il exploite aussi des découvertes scientifiques de son temps, ou des phénomènes naturels et y ajoute une touche fantastique : un ballon pour aller sur la lune, l’hypnose et ses effets sur la mort, un navire pris dans un maelström en pleine mer. Il y a aussi des histoires de fantômes, bien fantastiques dans le sens où on doute dans un premier de ce qu’on perçoit. Les explications scientifiques sont – souvent – très longues et un peu laborieuses à lire, mais je garde un bon souvenir de la lecture de ce recueil. J’admire toutes les idées développées tout comme l’ambiance qu’il parvient à instiller dans les contes les plus effrayants. Un classique à découvrir !

Absinthes & démons – Ambre Dubois

Lord Nermeryl est un jeune homme étrange. Quiconque reçoit sa carte peut lui demander de l’aide pour résoudre un problème étrange, surnaturel et d’apparence insoluble. Un personnage fascinant, mais qui ne réussit pas à dépasser l’anecdotique.

 

 

 

Ambre DUBOIS

Absinthes & démons

Editions du Riez, 2011

184 pages.

Présentation de l’éditeur

Qui est réellement Lord Nermeryl ? Le diable, comme le laisse sous-entendre la rumeur ? Ou un jeune dandy un peu trop excentrique dont le passe-temps morbide est d’enquêter sur des affaires surnaturelles ?

Au fil des énigmes, en compagnie de sa fidèle compagne, la Corneille, le jeune homme goûte la saveur des âmes des êtres humains, découvrant les travers de l’humanité et y apportant sa propre justice… d’une manière bien singulière…


Possessions, malédictions, disparition en masse de jeunes gens, morts étranges… c’est le lot quotidien de Lord Nermeryl qui s’est fait une spécialité d’enquêter à la demande de quiconque reçoit sa carte de visite. Entre un fantôme qui possède une jeune femme, un vampire qui sévit dans un quartier mal famé, et une fée qui revient à la vie  au prix de sacrifices humains, ses pouvoirs obscures et sa fidèle compagne ne sont pas de trop pour l’épauler dans sa tâche. Et alors que les nouvelles passent, l’auteur en dévoile un peu plus sur le mystère qui plane autour de son personnage.

Je n’attendais pas grand chose de ce roman, donc je ne suis pas tellement déçue, mais il est clair que ce livre sera très vite oublié. Tout est sous-exploité, le personnage est peu incarné, la corneille a un rôle minime,au point que ce qui se passe à la fin ne soulève aucune émotion, et le tout reste très anecdotique.

En terme d’écriture, c’est assez pauvre. On nous sert à la pelle nombre de descriptions surnaturelles ou érotiques clichées à souhaits, entre des « yeux mordorés », des lèvres « incarnats », etc… clichés que l’on retrouve beaucoup dans les récits bit-lit ou vampiriques. L’absinthe, qui apparaît dans le titre, ne sert à rien. Le personnage en boit, mais à part ça… Par contre, les démons, vu tous les teasings qu’on nous fait d’une nouvelle à l’autre, on finit par en entendre parler.

Le format est celui de courts chapitres, plutôt des nouvelles, qui présentent une enquête différente à chaque fois. Il y a simplement un mince fil rouge, la révélation progressive de la nature du personnage, et cela n’a pas suffit m’accrocher. Un autre format aurait peut-être rendu l’intrigue plus intéressante. J’ai bien aimé certains détails : le dénouement d’une ou deux nouvelles, les créatures intrigantes qu’elles présentent, et la façon dont Jorian Nermeryl arrive à s’en sortir. Mais, le fonctionnement de ce monde n’est pas expliqué, les quelques bons points du livre restent sous-exploités, et tout a un goût d’inachevé.

L’Autre Ville – Michal Ajvaz

Michal AJVAZ

L’Autre Ville (traduit du tchèque par Benoît Meunier)

Mirobole éditions, 2015

220 pages

Présentation de l’éditeur

Les livres en fleurs et les tiges émergeant de leur centre s’étaient entrelacés pour former de solides passerelles qui résistaient à mes coups de machette.

Dans une librairie de Prague, un homme trouve un livre écrit dans un alphabet inconnu et l’emporte chez lui ; bientôt l’ouvrage lui ouvre les portes d’un univers magique et dangereux. A mesure qu’il s’enfonce dans les méandres de cette autre ville, il découvre des cérémonies baroques, des coutumes étranges et des créatures fascinantes ; derrière la paisible Prague des touristes, des cafés se muent en jungles, des passages secrets s’ouvrent sous les pieds et des vagues viennent s’échouer sur les draps…

Livre hypnotique entre merveilleux et surréalisme, L’Autre Ville est une ode à la quête, et au courage nécessaire pour affronter les nouveaux mondes qui ne cessent de nous appeler.


Le narrateur trouve un petit livre étrange dans l’étalage d’un bouquiniste, couvert d’un alphabet étrange. En cherchant à comprendre ses mystères, il se rend à la bibliothèque universitaire où un bibliothécaire lui révèle  que c’est un passage vers un autre monde, qui se révèle à l’intérieur même de notre monde. Une cathédrale dans un abri à outils, des statues creuses et transparentes remplies de poissons comme un aquarium, une conférence universitaire nocturne à laquelle on peut assister en apportant une fouine, une jungle dissimulée entre les rayonnages au fond d’une bibliothèque… on suit le narrateur et ses pérégrinations alors qu’il découvre ce monde presque au hasard, s’y perd, y est pourchassé et y plonge définitivement.

L’Autre Ville est un roman étonnant qui plonge son lecteur dans un monde surréaliste et lui fait perdre ses repères. Au-delà du fait que Prague est une ville que je connais pas, dont je n’ai aucune image, aucune particularité du personnage ne nous est révélée. On ne connais pas son nom, ni son histoire, ni sa famille. On sait que c’est un homme et qu’il a été à l’université, mais son identité s’efface derrière sa recherche de cet autre monde, de cette autre ville. Il a un point de vue neutre et, à part les longues marches d’errances, il est un peu passif et décrit beaucoup ce qu’il voit. Il en vient aussi à se construire une sorte de philosophie ou de métaphysique de ce monde et du chemin qu’il y trace, ce qui m’a rallumé un peu d’intérêt au fil de ma lecture.

Cela en fait une lecture déconcertante, bonne mais pas si facile. Je confirme son aspect hypnotique (ou bien était-ce lié à mon état de fatigue), le problème étant que je ne comprenais plus ce que je lisais, alors qu’il y a pourtant des tableaux amusants à imaginer (essayez de visualiser des pistes de ski sur des montagnes de couvertures et d’oreillers…). L’expérience n’est pas désagréable, mais il m’a fallu m’accrocher.

Si cela vous tente et que vous avez envie d’être surpris, n’hésitez pas à vous lancer dans la lecture de L’Autre Ville. Mais attendez vous à être TRES surpris ! Pour ma part j’ai du mal à formuler une quelconque appréciation : je me suis laissée portée, mais c’est le genre de lecture qui n’implique pas émotionnellement son lecteur. Bonne ou mauvaise chose, je vous laisse juger. Pour ma part, à part un peu de curiosité, il m’a manqué l’aspect aventureux que j’avais imaginé.

Les Nécrophiles Anonymes, 1. Quadruple assassinat dans la rue de la Morgue – Cécile Duquenne

Cécile DUQUENNE

Les Nécrophiles Anonymes, 1. Quadruple assassinat dans la rue de la Morgue

Editions Voy'[el], 2012

185 pages

Présentation de l’éditeur

Népomucène, préposé à la Morgue, mène une vie tranquille et nocturne en compagnie de Bob, vampire d’environ 150 ans d’âge. Lorsqu’il manque de devenir la cinquième victime d’un mystérieux assassin, son ami de longue date mène l’enquête. L’immortel est certain qu’une autre créature surnaturelle a commis le massacre.


Népomucène, bedonnant, misanthrope, travaille à la morgue, la nuit, ce qui l’arrange puisqu’il préfère la compagnie des morts à celle des vivants. D’ailleurs il y a rencontré Robert Joachim Charles-Henri de Bruyère, aussi appelé Bob, qui est devenu son meilleur ami et avec lequel il a ses habitudes : apéro, promenades nocturnes et expériences de résurrection sur des chats à base de venin vampirique. Étant en contact avec un vampire, Népomucène est vaguement conscient que tout un monde fantastique existe, mais il ne connait que très peu ces particularités et ceux qui l’habitent. Pourtant, cette existence va lui sauter aux yeux le jour où il échappe de peu à un meurtre sanglant et sauvage. Face à cette menace, Bob va se mettre à enquêter, et Népomucène va le suivre et découvrir peu à peu ce monde empli de créatures fantastiques.

Ce petit roman m’a énormément séduit : histoire de vampire qui détourne les canons de la Bit Lit, avec un personnage principal masculin loin de l’archétype du héros ou de l’héroïne de Bit Lit. Il y a beaucoup de détails amusants, et la relation entre Népomucène et Bob est aussi sympathique. Un peu ambigüe, mais sympathique. Ce sont des personnages qu’il est plaisant de suivre, et grâce à ça les pages se tournent toutes seules.

Après, il ne faut pas non plus s’attendre à des miracles. Il y a certes un aspect polar, avec un peu d’action, mais vue la longueur du récit, tout cela passe assez vite, ça aurait peut-être mérité quelques développements supplémentaires. Malgré cela, c’est une série qui me plaît et que j’ai envie de poursuivre. La suite au prochain épisode !

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Neverwhere – Neil Gaiman

Couverture - Neverwhere

Neil GAIMAN

Neverwhere (traduit par Patrick Marcel)

Editions J’ai Lu, 2003

Première publication (VO) en 1996

350 pages

Collection Fantastique

Présentation de l’éditeur

Londres, un soir comme tant d’autres. Richard Mayhew découvre une jeune fille gisant sur le trottoir, l’épaule ensanglantée. Qui le supplie de ne pas l’emmener à l’hôpital… et qui disparaît dès le lendemain.

Pour Richard, tout dérape alors : sa fiancée le quitte, on ne le connaît plus au bureau, certains, même, ne le voient plus… Le monde à l’envers en quelque sorte. Car il semblerait que Londres ait un envers, la « ville d’En-Bas », cité souterraine où vit un peuple d’une autre époque, invisible aux yeux du commun des mortels. Un peuple organisé, hiérarchisé et à la tête duquel les rats jouent un rôle prépondérant. Plus rien ne le retenant « là-haut », Richard rejoint les profondeurs.


D’abord série télévisée, scénarisée par Neil Gaiman et diffusée au Royaume Uni en 1996, puis adapté en roman, avec l’addition de tout ce l’auteur n’avait pas pu mettre dans la série, et publié la même année, avant d’être également adapté en comics en 2005 par Mike Carey et Glenn Fabry, et enfin retravaillé par Gaiman et republié en France en 2010, Neverwhere a une histoire éditoriale bien fournie ! Bien évidemment, j’ai acheté mon livre dans une boutique d’occasion et j’ai donc lu la première version du roman. Mais, étant donné que j’ai su ça après l’avoir lu, ça n’a pas beaucoup influencé mon avis sur cette lecture.

Richard est un jeune homme banal. Il vit à Londres, travaille dans un open space, a une petite-amie issue d’un milieu aisé et bourgeois qui lui marche sur les pieds et décide d’une bonne partie de sa vie (depuis son look jusqu’à ces loisirs). Sa vie bascule quand il vient en aide à Porte, une jeune fille blessée qui s’échoue pratiquement à ses pieds. Quand elle disparaît, c’est comme si elle avait effacé avec son départ la présence de Richard dans le monde « normal ». En effet, Richard découvre avec stupéfaction que l’on vient louer son appartement alors qu’il est présent dans les lieux, les taxis ne le voient pas, il ne parvient pas à monter dans le métro, et au bureau, personne ne le reconnaît quand il parvient à attirer l’attention sur lui. Sa vie définitivement chamboulée, Richard part à la recherche de Porte et découvre un univers dont il ignorait tout : le Monde de l’En-Dessous et le Londres d’En-Bas. C’est une plongée vertigineuse dans les entrailles de la ville, tunnels de métro et égouts, entre la cour d’un Comte dans un wagon, un pont plongé dans les ténèbres les plus profondes, là où naissent les cauchemars, un marché qui change sans cesse de lieu mais permet à tous de profiter d’une trêve, et un labyrinthe hanté par un monstre.

Gaiman construit donc un monde caché, magique, tortueux et dangereux à l’image des sous-sols de Londres : des stations de métro correspondent littéralement à un lieu, les égouts sont habités par d’autres créatures que des rats. On a l’impression de n’avoir découvert qu’une infime partie de ce monde qui s’étendrait sous toutes les villes. En plus de ces monstres et autres créatures, Richard découvre une flopée de personnage intrigants et étranges. Il y a Porte d’abord, qui a une capacité spéciale : celle de pouvoir ouvrir toutes les portes et tout ce qui peut s’ouvrir. Le Marquis de Carabas qui lui vient en aide est à mon sens l’un des plus intéressant, avec son nom sorti d’un compte et son activité d’arnaqueur et voleur. Il faut aussi compter sur d’autres dangereux personnages, Chasseur, le garde du corps de Porte, les Velours qui volent la vie des autres, ou surtout l’inénarrable duo d’assassins : Mr Croup et Mr Vandemar. Gaiman en fait un portrait plein d’humour, délicieusement terrible. Croup parle trop et aime les jolies tournures, cela est drôle mais ne l’empêche pas d’être très habile au couteau, et incontestablement sadique. Vandemar est plutôt la brute un peu simple d’esprit, toujours affamée, qui peut tuer d’une seule main, mais comme Croup, il a des caractéristiques, une sorte de naïveté et de premier degré qui le rend drôle.

Gaiman introduit donc une bonne dose d’humour à son intrigue, alimentée par des nombreux rebondissements. On est entre la quête et l’enquête – Porte cherche à savoir qui a envoyé des assassins à ses trousses tandis que Richard s’affirme et parvient à s’adapter à Monde de l’En-Dessous – et, ma foi, tout cela est bien plaisant à suivre. Pour l’heure, ce sont ces personnages et le monde créé qui m’ont le plus marquée. L’intrigue est presque trop courte, j’aurais aimé pouvoir m’y plonger d’avantage.

Le roman est à l’image du Londres d’En-Bas : passionnant et enchanteur. Malgré tout, y plonger sera infiniment moins dangereux. C’est très confortable, finalement, le rôle du lecteur ! Je rajoute Neverwhere dans les livres que je conseille sans réfléchir, tant il est riche, imaginatif et entraînant.

Lu pour le Challenge XXè siècle

XXe siècleLu pour le Challenge ABC Littérature de l’imaginaire 2015ABC Imaginaire 2015 v2

Notre Dame des loups – Adrien Tomas

Couverture - Notre-Dame des loups

Adrien TOMAS

Notre-Dame des loups

Editions Mnémos, 2014

182 pages

Présentation de l’éditeur

1868, aux confins de l’Amérique, les Veneurs, une petite troupe d’hommes et de femmes sans foi ni loi, aux munitions forgées d’argent, l’âme froide comme l’acier, parcourent les immensités de l’Ouest sauvage.

Ils s’enfoncent, la peur au ventre mais déterminés, dans les gigantesques forêts que seuls les Indiens et les pionniers arpentent. Ils connaissent leur mission : elle pue le sang et la mort. Elle a le son des chairs qui se déchirent, des os qui rompent, des incarnations vaudou, des balles qui sifflent et des molosses qui aboient. Au loin, les premiers hurlements se font entendre. La chasse commence….

Une chasse qui doit réussir quel qu’en soit le prix. Une chasse pour abattre leur plus terrible ennemie : Notre-Dame des loups…


 Le silence est omniprésent. Il est lourd sur ma nuque et mes épaules, il m’entoure, m’étouffe, me pèse. A chaque fois que mon cheval traverse de son sabot la couche de neige fraîche, à chaque fois que j’inspire l’air glacé ou que j’exhale un souffle de nuage blanc, j’ai l’impression d’être en train de profaner une église, un temple ou je ne sais quoi de sacré. Je n’ai jamais été très porté sur la religion, mais par la Dame, ce que je me sens païen et ignorant dans cet endroit ! La forêt blanche m’écrase de sa majesté, de son immensité, me réduit à ce que je suis certainement : un intrus, minuscule et vain, dans un territoire qui ne lui appartient pas.

Les Veneurs cheminent en plein hiver dans la forêt Blanche à la poursuite de leur proie : une meute de wendigos (ou loups-garous ou rejs) et leur créatrice, la Dame. Alors qu’ils approchent de leur but, la troupe est peu à peu décimée et les veneurs meurent les uns après les autres. Un agent de la Dame agit-il dans l’ombre pour les mener à leur perte ? Qui les trahit au sein de la troupe ?

Au fil de huit chapitres successifs, nous nous plongeons dans ce huis-clos glaçant, un huis-clos au sein de la Vénerie, mais qui prend place dans un environnement hostile. Chaque chapitre adopte le point de vue d’un personnage. On découvre alors sa propre histoire et la manière qu’il a de considérer sa mission ou les autres veneurs. Il y a par exemple Würm : il est allemand ; sa famille est celle qui a commencé la lutte contre les rejs et il a immigré aux Etats-Unis pour poursuivre la chasse quand la Dame a investit le nouveau continent. Jack est celui qui mène les Veneurs, c’est le chef de troupe. Il est brutal, sans concession, obsédé par la Dame, et est peu aimé de ses compagnons. Il y a aussi Arlington, un pistolero de talent mais qui a peu d’estime pour ceux qu’il accompagne, Jonas, le plus vieux, Evangeline qui était une esclave et qui a dressé des chiens au combat contre les garous, et Winters, un jeune cowboy, un peu naïf.

L’intrigue se déroule à la fin du XIXème siècle. On se retrouve donc en plein western, mais un western fantastique et horrifique : des créatures rôdent dans les ombres et au milieu du blizzard. En plus du froid, de la neige et du danger, l’animosité règne au sein de la Vénerie : la confiance est loin. Chacun de ses membres se haïssent et se méfient les uns des autres.

L’imaginaire développée autour des cette troupe de Veneurs et des créatures qu’ils pourchassent est également très intéressant. La Dame et ses abominations ont une histoire : ils sont nés en Europe puis ont émigré en Amérique ; ils ont été traqué par des Veneurs européens qui ont mis en place des dispositifs de défense, comme les balles en argent ou des grigris, artefacts magiques qui leurs permettent de voir mieux dans l’obscurité. Les loups-garous font aussi échos à des mythes indiens comme les wendigos.

Tout ça donne un roman fort, prenant, trépidant. Il y a de l’action, du suspens, du mystère. Le fait que l’on change de  personnage à chaque chapitre est aussi un ressort de la narration qui est bien trouvé et qui colle parfaitement à l’intrigue. J’ai beaucoup aimé le mélange de western et de fantastique. Le style est efficace et le roman est concis, comme il le faut pour une histoire pareille (il fait moins de 200 pages). Le mélange des genres est détonnant et m’a fait passer un excellent moment de lecture.

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Porcelaine – Estelle Faye

Estelle FAYE

Porcelaine : Légende du tigre et de la tisseuse

Editions Les Moutons électriques, 2012

274 pages

Collection La Bibliothèque voltaïque

Présentation de l’éditeur

Chine vers l’an 200.

Xiao Chen est un comédien errant, jeté sur les routes par un dieu vengeur. Un masque à forme humaine dissimule son faciès de tigre, tandis que son coeur est de porcelaine fêlée. Son voyage va durer mille ans.

Au cours de son périple, il rencontrera Li Mei, une jeune tisseuse, la Belle qui verra en lui plus qu’une Bête. Celle qui, sans doute, saura lui rendre son coeur de chair. Cependant, Brume de Rivière, fille-fée jalouse et manipulatrice, intrigue dans l’ombre contre leur bonheur.

Pendant presque 15 siècles, rivalités et amour s’entrecroisent, tissant une histoire de passion, de tendresse et de sacrifice, sur fond de magie et de théâtre.


 Xiao Chen est le fils d’un potier célèbre qui ne vit que pour son art. C’est devenu une obsession depuis la mort de sa femme, presque une maladie. Pour lui permettre d’achever une pièce réalisée à partir d’une argile précieuse, Xiao Chen se rend chez le dieu de la montagne chercher du bois et des aiguilles de pins sèches pour alimenter le four du potier. Mais il commet une erreur dans la demeure du dieu et celui-ci le maudit en transformant son visage en tête de tigre.

Chassé de son village, il rejoint une troupe de théâtre dans laquelle il se lie avec Pied-de-cendre, un contorsionniste, et Brume de Rivière, une jeune fille avec un talent particulier. Mais la troupe est poursuivie par des cohortes de démons, et la danse des sabres de Xiao Chen n’a pas seulement un but artistique.

Nous découvrons avec lui le monde du théâtre, la difficile vie sur les routes, le nomadisme perpétuel, et le frisson qui gagne les artistes lorsqu’ils montent sur scène. C’est un thème qui trouve une autre déclinaison dans le masque que Xiao Chen est obligé de porter pour dissimuler son visage de tigre, et dans les multiples rôles que chaque personnage aura a joué avant la fin de cette histoire.

L’histoire de Xiao Chen se déroule sur plusieurs siècles, au gré des routes et des difficultés qu’il va rencontrer au sein de la troupe. Le roman raconte cela en trois actes, de manière linéaire, en se concentrant surtout sur le IIIè siècle et le XVIIIè siècle. Le monde va donc évoluer, tout comme ses personnages qui vont s’endurcir aux fil de leurs aventures ou changer l’objet de leur loyauté. L’évolution la plus flagrante est celle de Li Mei, la tisseuse qui va finir par avoir un rôle très important dans l’histoire et pour Xiao Chen.

Le monde de Porcelaine est alimenté par la mythologie chinoise, avec les dieux plus ou moins bienveillants envers les hommes. On découvre aussi certains métiers qui ont leurs traditions et leur éthique : les potiers, les tisseurs, les comédiens et les artistes. Cet univers merveilleux est fascinant. La Chine qui est présentée là est une Chine médiévale, avec un aspect historique très présent, mais qui reste très colorée et changeante.

J’ai découvert ce roman après en avoir lu une chronique quelque part. Je dois dire que c’est avant tout la superbe couverture dessinée par Amandine Labarre qui m’a incitée à le lire. J’ai vite été prise dans cet univers de conte, surprise même par certains rebondissements. L’auteur nous embarque à la découverte de ce monde merveilleux et de ces destins extraordinaires. La narration au présent met le lecteur à distance. Il y a peu d’introspection, mais cela va dans le sens de l’histoire et de son atmosphère, et laisse la place à des belles descriptions.

J’ai juste eu un peu de mal avec la tournure que prend le troisième acte, tant dans le comportement des personnages, que dans le rythme plus lent, différent du reste du roman. Cela est tout de même bien peu de choses, comparé au reste.

Porcelaine est un conte enchanteur, élégamment mené par son auteur et je le recommande chaudement.

ABC Imaginaire 2015 v2

Stratégies du réenchantement – Jeanne-A Debats

Couverture - Stratégies du réenchantement

Jeanne-A DEBATS

Stratégies du réenchantement

Editions Griffe d’Encre, 2010

247 pages

Présentation de l’éditeur

Devant l’insupportable, il est malaisé de se révolter, mais parfois plus encore de se soumettre.

Huit nouvelles sur l’art et les raisons de dire non, huit stratégies pour réenchanter le monde jusqu’à, parfois, le détruire.


La quatrième de couverture est éloquente. Ce recueil contient 8 nouvelles sur « l’art et les raisons de dire « non » » : désobéissance, résistance, survie, à une situation oppressante et imposée ou à soi-même. Chaque nouvelle se place dans un univers différent : fantastique, avec un aspect historique, science-fiction, ou anticipation.

Aria Furiosa. Durant la seconde guerre mondiale, une danseuse d’opéra blessée travaille chez un célèbre castrat et raconte comment il s’est vu obligé de chanter pour les nazis, alors qu’il a pris sa retraite. Ce premier récit m’a éblouie. Je l’ai trouvée très beau et touchant, dans ce face à face entre ce castrat et un colonel nazi.

Saint-Valentin. La petite amie d’un tueur en série, qui ne s’en prend qu’aux fées, change de vie grâce à l’intervention d’un lutin qui exauce les voeux. Elle se rend compte alors qu’elle préférait sa première vie et part à la recherche du lutin pour qu’il la lui rende. La situation de départ m’a beaucoup amusée, même si j’ai moins aimé cette nouvelle dans la durée. C’est la seule nouvelle qui dénote dans ce recueil par son aspect fantastique et saugrenu.

Paso doble. Dans un monde où la technologie permet de réimplanter les âmes dans des corps différents, une cuadrilla, une équipe de torreros s’entraîne, entre jalousie et compétition interne, pour une important corrida. La chute est amère, mais excellente.

Stratégies du réenchantement. Une maladie ravage l’humanité après une nouvelle révolution sexuelle : le Sida4, qui a pour particularité d’annihiler toutes les émotions, faisant des malades des dangers pour la société. L’intrigue met face à face un père atteint du SIda4 et sa fille. Cette nouvelle est assez dérangeante, mais elle m’a produit une forte impression – sa fin, notamment, m’a soufflée.

Privilège insupportable. Univers post-apocalyptique, dans lequel l’oxygène est rationné. Un homme trouve alors le moyen de vivre en secret une vie différente, en désobéissant aux règles instaurées pour la survie de tous. C’est un texte glauque, sombre, dérangeant lui aussi, mais qui met en lumière une histoire des descendance et d’héritage.

Gilles au bûcher. Encore un univers post-apocalyptique qui traite, comme de la nouvelle précédente, de descendance et d’héritage. Gilles survit depuis des centaines d’années dans un bunker au milieu d’une terre ravagée par une guerre nucléaire. Il a recréé des générations d’humains pour reconstruire une société.

Fugues et fragrances au temps du Dépotoir. Les habitants de Cecilya, une station spatiale abritant un trou noir, au bord de la ruine, luttent contre les Réguliers qui sont venus pour les évacuer. Cette nouvelle est la plus longue. Je l’ai trouvé très intéressante par ce qu’elle montre de la station, dans laquelle la gravité et le temps peuvent changer à tout instant.

Nettoyage de printemps. Texte très court à propos d’un agent des Time Corps dont le rôle est de réparer les changements opérés dans l’histoire par les touristes temporels, qui va décider de nettoyer la seule grande tache de l’histoire. Cette nouvelle radicale est parfaite pour clôturer ce recueil.

Postface. L’Art du changement d’état, de Jean-Claude Dunyach. Dans cette postface, Jean-Claude Dunyach revient sur ce qui fait l’uniformité de ce recueil : le changement d’état, et la manière dont il est traité dans les nouvelles ou appréhendé par les personnages.

En conclusion, j’ai beaucoup aimé lire ce recueil. J’ai apprécié les nouvelles à des degrés divers, mais j’aime toujours autant ce que Jeanna-A Debat fait de ses univers. Ses récits sont percutants et intelligents et c’est toujours un grand plaisir de s’y plonger. (Et ma médiathèque remonte un peu dans mon estime en l’ayant dans sa collection ^^.)

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L’Héritière – Jeanne-A Debats

Couverture - L'Héritière

Jeanne-A Debats

L’Héritière

Editions Actu SF, 2014

382 pages

Présentation de l’éditeur

Je m’appelle Agnès Cleyre et je suis orpheline. De ma mère sorcière, j’ai hérité du don de voir les fantômes. Plutôt une malédiction qui m’a obligée à vivre recluse, à l’abri de la violence des sentiments des morts. Mais depuis le jour où mon oncle notaire m’a prise sous son aile, ma vie a changé. Contrairement aux apparences, le quotidien de l’étude qu’il dirige n’est pas de tout repos : vampires, loups-garous, sirènes… À croire que tout l’AlterMonde a une succession à gérer ! Moi qui voulais de l’action, je ne suis pas déçue… Et le beau Navarre n’y est peut-être pas étranger.

Romancière, nouvelliste et anthologiste, Jeanne-A Debats a convoqué les figures les plus flamboyantes du fantastique pour une romance douce-amère dans la Ville Lumière. Plume reconnue de l’imaginaire français, sa novella La Vieille Anglaise et le continent a été lauréate du Grand Prix de l’imaginaire, des prix Julia Verlanger et Rosny aîné.

Mon avis

Ayant gardé un excellent souvenir de ma lecture de Plaguers de la même auteure, je n’ai pas longtemps hésité avant d’acheter L’Héritière, entre le visuel alléchant de la couverture et la promesse de son histoire.

L’histoire, justement, qu’en est-il ?

Agnès Cleyre est fille de sorcière. Elle a un don (ou une malédiction) particulier : celui de voir les fantômes, tous les errants, les fantômes qui hantent divers lieux ou que les personnes portent avec eux, ersatz de leurs sentiments, joie, peur, rancoeur. Mais ces fantômes le blessent quand elle entre à leur contact, l’obligeant à vivre cloitrée dans une maison protégée, ou à sortir dans un état d’ébriété ou de défonce avancé. Au début du roman, elle se rend au cimetière du Père Lachaise, pendant une nuit spéciale où les fantômes sont moins virulents, pour rendre visite à la tombe de ses parents et de son frère, décédés récemment. Elle y est rejointe par son oncle Géraud, un éternel, et Navarre, un vampire.

Géraud lui propose de travailler dans son cabinet de notaire pour traduire les testaments des surnaturels qui font appel à ses services : vampires, loups-garous, sirènes, et autres créatures de tout poil. C’est un boulot à l’abri des fantômes, mais loin d’être de tout repos. Entre des irruptions de loups garous déchaînés, les tentatives de noyades par une sirène dans un lavabo, la très coquette Zalia, et les vols avec Navarre, vampire décidément très sexy, proportionnellement à sa puissance, elle se retrouve à gérer une succession dans un clan de vampires.

Je n’ai pas assez lu de romans de ce genre-là pour pouvoir faire des comparaisons en terme de traitement des créatures fantastiques ou du thème. En tous cas, c’était une excellente lecture. L’univers est solide, ancré dans l’Histoire qui remonte au moins jusqu’au Moyen Age, et les caractéristiques de chaque espèce surnaturelle se retrouvent aussi en matière de classe sociale, les vampires sont des représentants de l’aristocratie tandis que les loups-garous ont pris leurs origines dans la lutte sociale, dans la Commune notamment.

J’ai souvent eu l’impression qu’on était dans quelque chose de très classique : le vampire séducteur, l’antipathie de certaines espèces surnaturelles l’une envers les autres… tout en ayant une volonté de détourner les codes, de donner un coup de pied dans certaines sagas très connues (Twilight !), dans les clichés. On a des scènes déjantées au possible, où un ange de la mort apparaît sous la forme d’une petite fille avec des ailes en carton pâte, où un vampire lit de la romance paranormale, et où on se défend à coup de talons aiguilles en argent.

Le résultat est drôle, entre décalage et situations comiques. Il y a de l’action, parce que cette succession n’est pas du goût de tout le monde et qu’il y a forcément des gens pour s’y opposer. On découvre la capitale, Paris, sous un autre point de vue : celui de l’Alter-Monde. Chaque arrondissement est aux mains d’une espèce ou d’un clan.

Le résultat est vraiment sympa. J’ai pris un grand plaisir à me plonger dans l’histoire, même si j’ai été un peu frustrée par l’aspect « premier tome » de ce roman. Le style est efficace, fluide. J’ai beaucoup ri et j’ai adoré suivre tous ces personnages.

On dispose une Préface d’Adrien Party et une Postface de Jean-Luc Rivera, qui offrent des pistes d’interprétation et de contextualisation de ce roman dans les genres de la bit-lit et de l’urban fantasy. Ce ne sont pas mes genres préférés, donc je n’avais pas vraiment ce recul en ce qui concerne le traitement des créatures fantastiques et la manière avec laquelle l’auteur a innové, mais ça m’a beaucoup intéressée d’avoir le point de vue de connaisseurs et spécialistes sur la question.

En conclusion, L’Héritière est un roman savoureux, passionnant et fascinant que j’ai lu avec un grand plaisir.

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