Stratégies du réenchantement – Jeanne-A Debats

Couverture - Stratégies du réenchantement

Jeanne-A DEBATS

Stratégies du réenchantement

Editions Griffe d’Encre, 2010

247 pages

Présentation de l’éditeur

Devant l’insupportable, il est malaisé de se révolter, mais parfois plus encore de se soumettre.

Huit nouvelles sur l’art et les raisons de dire non, huit stratégies pour réenchanter le monde jusqu’à, parfois, le détruire.


La quatrième de couverture est éloquente. Ce recueil contient 8 nouvelles sur « l’art et les raisons de dire « non » » : désobéissance, résistance, survie, à une situation oppressante et imposée ou à soi-même. Chaque nouvelle se place dans un univers différent : fantastique, avec un aspect historique, science-fiction, ou anticipation.

Aria Furiosa. Durant la seconde guerre mondiale, une danseuse d’opéra blessée travaille chez un célèbre castrat et raconte comment il s’est vu obligé de chanter pour les nazis, alors qu’il a pris sa retraite. Ce premier récit m’a éblouie. Je l’ai trouvée très beau et touchant, dans ce face à face entre ce castrat et un colonel nazi.

Saint-Valentin. La petite amie d’un tueur en série, qui ne s’en prend qu’aux fées, change de vie grâce à l’intervention d’un lutin qui exauce les voeux. Elle se rend compte alors qu’elle préférait sa première vie et part à la recherche du lutin pour qu’il la lui rende. La situation de départ m’a beaucoup amusée, même si j’ai moins aimé cette nouvelle dans la durée. C’est la seule nouvelle qui dénote dans ce recueil par son aspect fantastique et saugrenu.

Paso doble. Dans un monde où la technologie permet de réimplanter les âmes dans des corps différents, une cuadrilla, une équipe de torreros s’entraîne, entre jalousie et compétition interne, pour une important corrida. La chute est amère, mais excellente.

Stratégies du réenchantement. Une maladie ravage l’humanité après une nouvelle révolution sexuelle : le Sida4, qui a pour particularité d’annihiler toutes les émotions, faisant des malades des dangers pour la société. L’intrigue met face à face un père atteint du SIda4 et sa fille. Cette nouvelle est assez dérangeante, mais elle m’a produit une forte impression – sa fin, notamment, m’a soufflée.

Privilège insupportable. Univers post-apocalyptique, dans lequel l’oxygène est rationné. Un homme trouve alors le moyen de vivre en secret une vie différente, en désobéissant aux règles instaurées pour la survie de tous. C’est un texte glauque, sombre, dérangeant lui aussi, mais qui met en lumière une histoire des descendance et d’héritage.

Gilles au bûcher. Encore un univers post-apocalyptique qui traite, comme de la nouvelle précédente, de descendance et d’héritage. Gilles survit depuis des centaines d’années dans un bunker au milieu d’une terre ravagée par une guerre nucléaire. Il a recréé des générations d’humains pour reconstruire une société.

Fugues et fragrances au temps du Dépotoir. Les habitants de Cecilya, une station spatiale abritant un trou noir, au bord de la ruine, luttent contre les Réguliers qui sont venus pour les évacuer. Cette nouvelle est la plus longue. Je l’ai trouvé très intéressante par ce qu’elle montre de la station, dans laquelle la gravité et le temps peuvent changer à tout instant.

Nettoyage de printemps. Texte très court à propos d’un agent des Time Corps dont le rôle est de réparer les changements opérés dans l’histoire par les touristes temporels, qui va décider de nettoyer la seule grande tache de l’histoire. Cette nouvelle radicale est parfaite pour clôturer ce recueil.

Postface. L’Art du changement d’état, de Jean-Claude Dunyach. Dans cette postface, Jean-Claude Dunyach revient sur ce qui fait l’uniformité de ce recueil : le changement d’état, et la manière dont il est traité dans les nouvelles ou appréhendé par les personnages.

En conclusion, j’ai beaucoup aimé lire ce recueil. J’ai apprécié les nouvelles à des degrés divers, mais j’aime toujours autant ce que Jeanna-A Debat fait de ses univers. Ses récits sont percutants et intelligents et c’est toujours un grand plaisir de s’y plonger. (Et ma médiathèque remonte un peu dans mon estime en l’ayant dans sa collection ^^.)

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Zombies, Cycle 1 – Oliver Peru, Sophian Cholet, Simon Champelovier

Oliver PERU, Sophian CHOLET, Simon CHAMPELOVIER

& Lucio Alberto LEONI

Zombies

Editions Soleil, 2010

4 tomes (série en cours)

Collection anticipation

Présentation de l’éditeur

Dans un futur proche, la quasi-totalité de la population mondiale s’est transformée en zombies. Les rares personnes ayant survécu à la fin du monde civilisé essaient à présent d’échapper aux morts-vivants qui les traquent. Parmi ces individus, Sam Coleman tente de retrouver sa fille Stacy, piégée dans ce qu’il reste de Seattle aux États-Unis.


Je n’avais pas encore pris le temps de faire un article sur ce blog à propos de cette série que j’aime beaucoup. Mais, maintenant, il est temps !

Je n’ai pas d’affection particulière pour l’horreur apocalyptico-zombiesque (par exemple, Walking Dead : pas lu, pas vu), mais on m’avait parlé de cette série, et puis c’était peu de temps après ma lecture de Druide, donc voir le nom de Peru sur la couverture, ça m’a attirée.

Résultat : j’aime beaucoup cette série. Le schéma de base est assez classique : une épidémie qui transforme les gens en zombies par morsure, des survivants qui essaient, eh bien, de survivre et de reconstruire dans un endroit sûr un bout de civilisation. Le premier tome se concentre sur le personnage de Sam Coleman, homme banal et un peu minable avant l’épidémie, qui s’est endurci pour affronter les zombies et retrouver sa fille. Dans les ruines de Seattle, il rencontre Josh, un jeune garçon et le prend sous son aile, apportant un peu de légèreté dans son existence. Puis ils se joignent à une caravane, un groupe de gens qui se sont organisés pour survivre sous la direction de Serge Lapointe, un ancien acteur de série B, devenu un leader charismatique. Il va bien sûr se passer des tas de choses, avec la mise en parallèle d’autres groupes de survivants qui vont tous tester différentes solutions pour repousser les zombies, et qui vont chercher à comprendre quelle est l’origine de l’épidémie. Et puis l’horreur va évidemment crescendo (le troisième tome m’a mise dans tous mes états), le pire n’étant pas forcément le fruit des zombies, mais bien sûr celui de l’humain dans toute sa splendeur ! (l’usage du mot « splendeur » est bien évidemment à prendre avec ironie).

Nous avons là une intrigue centrée sur l’humain, avec de nombreux personnages intéressants, attachants et étonnants. Il y a bien sûr la problématique de la survie, du fait de vivre en groupe, entre la réaction aux horreurs et l’injonction de résister pour vivre.

Ces trois premiers tomes disposent d’un dessin agréable – c’est difficile de le qualifier de beauté, quand ça montre surtout de la chair en décomposition – qui colle bien à l’ambiance et aux caractères des personnages.

La série dispose également d’un tome 0, qui revient sur les débuts de la contamination à travers ce qu’a vécu le personnage de Serge, et qui va expliquer une partie de ce qu’il est devenu. L’intrigue est un préquel à l’histoire centrale, mais à part le personnage de Serge, elle a peu de liens avec ce qui suit, et il est donc possible de le lire après les trois premiers tomes. C’est d’ailleurs ce que je recommanderais, puisqu’il est aussi plus agréable de découvrir un personnage brut de pomme pour ensuite avoir les explications sur son histoire. Avoir ces explications avant, ça a moins de charme.

Ces quatre tomes correspondent à un cycle 1, qui se terminent par des découvertes et des tournants importants, annonçant un cycle 2 très prometteur !

En conclusion, si vous aimez l’apocalypse, les zombies, la mise à mal des conventions sociales humaines par la catastrophe qui révèle alors le meilleur des hommes tout comme le pire, lisez cette série, vous ne serez pas déçus !

Auprès de moi toujours – Kazuo Ishiguro

Couverture - Auprès de moi toujours

Kazuo ISHIGURO

Auprès de moi toujours (traduit par Anne Rabinovitch)

Editions Folio, 2012.

440 pages.

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Présentation de l’éditeur

Kath, Ruth et Tommy ont été élèves à Hailsham dans les années quatre-vingt-dix ; une école idyllique dans la campagne anglaise, où les enfants étaient élevés dans l’idée que leur bien être personnel était essentiel à la société. Mais pour quelle raisons les avait-on réunis là ? Des années plus tard, Kath tente de trouver un sens à leur passé commun. Avec Ruth et Tommy, elle prend conscience leur enfance apparemment heureuse n’a cessé de les hanter au point de frelater leurs vies d’adultes.

Kazuo Ishiguro traite de sujets qui nous touchent de près : la perte de l’innocence, l’importance de la mémoire, la valeur que chacun de nous accorde à autrui. Ce chef d’oeuvre d’anticipation raconte une histoire d’humanité et d’amour dans l’Angleterre contemporaine. Il est appelé à devenir le classique de nos vies fragiles.

Mon avis

Auprès de moi toujours est un roman d’anticipation sur le thème « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » (Rabelais). Du moins c’est ainsi que je l’interprète, parce que tout ce qui est de l’ordre de l’anticipation, ou plutôt de ce qui est différent dans Auprès de moi toujours du « monde réel », apparaît de manière diffuse et si c’est un facteur dans la progression des personnages, c’est loin d’être le centre de l’histoire. Mais reprenons le roman dans l’ordre.

Kath, Ruth et Tommy ont grandi à Hailsham, un lieu qui berce les souvenirs de leur enfance, mais, ils s’en aperçoivent vite, un lieu qui est très spécial en dehors du rôle qui lui a été attribué. C’est ce dont la narratrice, en revenant peu à peu sur ses souvenirs, en racontant son enfance, et en en discutant avec ses amis, va se rendre compte.

Cela paraît très mystérieux, dit comme ça, mais le problème avec ce roman, c’est que c’est une chose que le lecteur comprend peu à peu, à force d’allusions, de mots qui reviennent, des non-dits soulignés, etc. En fait cela semble normal pour la narratrice, elle sait tout cela, donc elle ne s’étend pas en longues explications, elle n’en a pas besoin. Et c’est au lecteur de faire le tri, d’écouter ses intuitions pour comprendre ce qu’elle dit, jusqu’à ce que ça soit enfin clairement dit. Aussi, en raconter plus serait spoiler, donc je vais me contenter de rester évasive.

Kath nous raconte donc sa vie, depuis son enfance, puis son adolescence et sa progressive indépendance jusqu’à l’âge adulte. Elle offre de nombreux détails sur la vie à Hailsham, sur ses relations avec ses amis, avec les gardiens. Elle livre les dialogues, ses émotions, ses sentiments, ses impressions, enrichis par ses réflexions à postériori. Le récit est très ancré dans un sorte de réalisme, la vie quotidienne, la simple et belle humanité des gens que Kath a côtoyé. Elle fait un impressionnant travail de mémoire et, dans des paysage d’Angleterre qui nous semblent familier, elle exhume des détails, des phrases, des souvenirs qui révèlent d’un coup le monde effroyable dans lequel elle vit.

C’est aussi une formidable histoire d’amour et d’amitié. Kazuo Ishiguro a un style magnifique qui nous fait comprendre dans le détail toutes les nuances des caractères de ses personnages. La psychologie est traitée de manière fine, et les sentiments quels qu’ils soient sont magnifiés. C’est une très belle lecture, elle m’a vraiment marquée, et si certains-es l’ont déjà lu je serais ravi d’en discuter avec eux-elles plus précisément.

Le film Never Let Me Go (2011)

Affiche - never let me goRéalisé par Mark Romanek ; avec Carey Mulligan, Andrew Garfield, Keira Knightley…

Je l’ai vu peu de temps après avoir lu le roman et je n’ai pas pu m’empêcher de faire la comparaison entre le roman et le film, par exemple, ce qui avait été modifié dans l’histoire, les moments qui ont été supprimés, etc. J’avais beaucoup de mal à me détacher de ce que j’avais lu pour regarder le film pour lui-même. Au début, ça m’a un peu gâcher la lecture, jusqu’à une ou deux scènes effroyables qui m’ont glacée et m’ont tiré des larmes. A partir de là, je me suis vraiment plongée dans le film, que j’ai aussi beaucoup aimé, mais je suis assez incapable de faire une quelconque remarque d’ordre esthétique ou sur la réalisation, le jeux des acteurs ou encore le scénario.

Challenge Vide ta PAL

Bienvenue à Gattaca – Andrew Niccol

Affiche - Gattaca

Année de production : 1998. Long métrage américain.

Genre : Science Fiction.

Réalisé par : Andrew Niccol

Avec : Ethan Hawke, Uma Thurman, Jude Law, Alan Arkin, Loren Dean…

Synopsis :

Dans un monde parfait, Gattaca est un centre d’études et de recherches spatiales pour des jeunes gens au patrimoine génétique impeccable. Jérôme, candidat idéal, voit sa vie détruite par un accident tandis que Vincent, enfant naturel, rêve de partir pour l’espace. Chacun des deux va permettre à l’autre d’obtenir ce qu’il souhaite en déjouant les lois de Gattaca.

Mon avis

Le monde parfait est en fait un monde gouverné par la génétique. A chaque naissance, les gènes de l’embryon sont étudiés de manière à éliminer tous les risques de maladie, les problèmes cardiaques… et les enfants semblent alors prédestinés à certains rôles et métiers. Les plus riches peuvent d’ailleurs payer pour des enfants au patrimoine génétique parfait. De là, chacun est fiché selon son ADN. Les contrôles par analyse de sang ou d’urine sont omniprésents. Au moindre crime, il est facile de trouver l’auteur du crime grâce à toutes les cellules mortes, cheveux et autres cils qui traînent. Et les êtres conçus de manière « naturelle » sont discriminés comme des êtres inférieurs, fragiles et juste bons à faire le ménage dans des grandes institutions comme Gattaca.

Pour permettre à Vincent de réaliser son rêve et à Jerome de vivre une sorte de deuxième vie, il n’y a qu’une seule solution : Vincent va emprunter le patrimoine génétique de Jerome et, en se faisant passer pour lui, il va intégrer Gattaca et devenir un de ses meilleurs éléments. Un meurtre dans les locaux vient remettre en cause son entreprise et la police se met à traquer l’être « naturel » qui s’y cache.

Je pensais avoir affaire à un film beaucoup plus musclé, sportif… où il y aurait plus d’action. Tout ce que m’évoque l’idée de traque, en fait. Mais on est plus dans le suspens et dans le psychologique. Et j’ai vraiment beaucoup aimé. Je n’ai pas envie de spoiler l’intrigue, mais on se rend que tout n’est pas une histoire de gène et que les gènes ne pourront jamais prédestiner un individu, déterminer un caractère ou la volonté d’une personne à atteindre son but.

J’avais vu Time out d’Andrew Niccol. Et j’avais plus ou moins apprécié (à cause, entre autres, de la VF, mais ça c’est une autre histoire). J’ai trouvé Bienvenue à Gattaca bien meilleur. Le thème est aussi intéressant que l’idée du temps comme unité monétaire et rien qu’avec ça, ces deux films valent le coup !