Instruments des ténèbres – Nancy Huston

Couverture - Intsruments des ténèbres

Nancy HUSTON
Instruments des ténèbres

Editions J’ai lu, 2011.

250 pages

.

Présentation de l’éditeur

Chacun de nous transporte en soi le centre de l’univers.

Nadia, auteur américaine, décide de retracer le parcours de jumeaux orphelins nés au XVIIIe siècle. Peu à peu, elle se laisse prendre par l’histoire de la jeune femme, servante de ferme abusée par son maître et accusée de sorcellerie. Leurs destins se croisent, leurs souffrances aussi. A trois siècles de distance, la tragédie de la jeune Barbe finit par ramener le regard de Nadia vers la lumière.

Instruments des ténèbres a été récompensé par le prix Goncourt des lycéens en 1996 et par le prix du Livre Inter en 1997.

Mon avis

Instruments des ténèbres mêle deux récits. Celui de Nadia d’abord, écrivain, la cinquantaine cynique et désabusée, qui écrit sous l’influence de son daîmon, sorte de force inspiratrice diabolique, dans le Carnet Scordatura des tranches de sa vie. Elle se raconte, exprime ses réflexions, sa haine des hortensias et de certains de ses contemporains, transcrit ses pensées et surtout ses images au formol. C’est ainsi qu’elle appelle ses souvenirs indélébiles, comme conservés dans des bocaux sur les étagères de sa conscience : des éléments traumatisants de sa vie, des évènements marquants dans sa relation avec ses parents ou sa famille ou encore de sa vie d’artiste. Le second récit est celui de La Sonate de la résurrection. Ecrit par Nadia, c’est l’histoire de jumeaux orphelins nés dans la fin du XVIIème siècle, sous Louis XIV. Séparés à la naissance, Barnabé est recueilli dans un couvent de moine, tandis que Barbe, sa soeur « née coiffée », signe de grande fortune dans sa vie à venir, est trimballée de ferme en ferme en fonction des connaissances et de la bonne volonté de ceux qui l’hébergent. On découvre la vie dans les campagnes, qui se déroule sous le joug de la religion. Si on craint les sorcières, la vie spirituelle et la croyance en Dieu sont sans cesse évoquées, parce qu’omniprésentes dans les villages de campagne, même si le diable ne rôde jamais très loin.

Avec l’alternance des deux récits d’un chapitre à l’autre, Nadia développe sa propre histoire en parallèle de celle de Barbe et on ne peut s’empêcher de faire le rapprochement entre les deux personnages : leur destin solitaire, leur confrontation à la mort, l’avortement… Nadia semble s’identifier de plus en plus à Barbe et, au fil du roman et de ses propres confessions, elle se débarrasse peu à peu des ténèbres de ses souvenirs, mettant à jour les évènements, les émotions, les plaies mal refermées et les interrogations qui restaient en suspens, s’affranchissant de son démon une bonne fois pour toute.

Ce roman semble suivre une démarche musicale, malgré le thème quête littéraire : Nadia se cherche à travers l’écriture, en même temps, elle exprime tout cela selon des termes musicaux, depuis La Sonate de la résurrection jusqu’au Carnet Scordatura, « scordatura » qui signifie « discordance » en particulier dans l’univers musical baroque. Mais au delà de tout ça, c’est bien sûr la vie des femmes qui est au coeur du roman, alors que Nadia raconte l’histoire de Barbe, celle de sa mère ou la sienne propre, évoquant la lente évolution de la condition à laquelle chaque personnage a été confronté : depuis le procès pour sorcellerie, recel de grossesse et infanticide, jusqu’à l’interdiction de l’avortement et de la contraception. Ce roman sombre finit par s’alléger dans une forme de soulagement. La lecture n’est pas facile au premier abord, les propos sont violents dans leur négation, mais l’écriture a une force qui transporte le lecteur au travers des deux histoires.

C’était mon premier contact avec une oeuvre de Nancy Huston et j’ai bien l’intention de poursuivre dans le travail de cet écrivain.

Challenge Destins de femmes chez Tête de Litote

Laisser un commentaire