Clara DUPONT-MONOD
La Passion selon Juette
Editions Grasset, 2007
232 pages
Présentation de l’éditeur
Juette est née en 1158 à Huy, une petite ville de l’actuelle Belgique. Cette enfant solitaire et rêveuse se marie à treize ans dans la demeure de ses riches parents. Elle est veuve cinq ans plus tard. Juette est une femme qui dit non. Non au mariage. Non aux hommes avides. Non au clergé corrompu. Violente et lucide sur la société de son temps, elle défend la liberté de croire, mais aussi celle de vivre à son guise. Elle n’a qu’un ami et confident, Hugues de Floreffe, un prêtre : à quelles extrémités arrivera-t-elle pour se perdre et se sauver ? Car l’Eglise n’aime pas les âmes fortes…
De ce Moyen Âge traversé de courants mystiques et d’anges guerriers, qui voit naître les premières hérésies cathares, Clara Dupont-Monod a gardé ici une figure singulière de sainte laïque. Elle fait entendre enfin la voix de Juette l’insoumise. Peut-être l’une des premières féministes.
Je ne sais plus pourquoi j’ai emprunté ce petit roman à la bibliothèque proche de chez moi, mais je ne le regrette pas. J’ai été surprise parce que j’y ai trouvé, et c’était une très bonne surprise !
Clara Dupont-Monod reprend la vie d’Yvette d’Huy, aussi appelée Juette, une sainte qui a vécu au XIIème, comme elle a été racontée par Hugues de Floreffe, un prêtre qui l’a fréquenté et qui a été son ami. Pour autant ce n’est pas une biographie. L’auteur commence son récit au moment où Juette à 12 ou 13 ans jusqu’à ce qu’elle devienne une sainte.
La « Passion » du titre est à prendre au sens premier et douloureux du terme : celui de la Passion du Christ et non pas celui de la passion pour la philatélie, par exemple. Le contexte – dont j’ignorais totalement la teneur – est celui de purges et de la lutte de l’Eglise contre les hérésies qui naissent et se développent en Europe. Juette, avec ses convictions, sa foi va se retrouver elle aussi opposée à l’Eglise, trop corrompue et trop éloignée des préceptes de la Bible. Le mariage qu’on lui impose, puis la maternité la révulse et elle se retire du monde pour s’occuper d’une léproserie et des malades, non sans combattre le clergé
Le roman alterne des passages narrés du point de vue de Juette et des passages du point de vue de Hugues de Floreffe. Juette a un rapport assez distancié au monde. Le début du roman, dans lequel sont abordés brièvement ses rapports à ses parents, à leur classe et à leur conception du rôle de la femme – être jolie, se marier, enfanter -, et ses rêves de contes et d’histoires de chevaliers, est assez confus. Je ne savais pas dans quoi je mettais les pieds. Pourtant, au fur et à mesure, je me suis laissée portée par le style de Clara Dupont-Monod et l’histoire qu’elle déroule dans ce court et pourtant intense roman. Le point de vue d’Hugues de Floreffe permet d’apporter un regard extérieur aux combats de Juette. Il est conscient du contexte religieux et de la puissance que l’Eglise abat pour éliminer les autres courants religieux et les hérésies. C’est lui qui va avoir peur quand Juette restera intransigeante et indifférente aux menaces qui pèsent sur elle.
Ce que j’ai apprécié dans ce livre c’était surtout la découverte qu’il me permettait de faire. La découverte d’un Moyen Age riche, complexe et très loin des clichés qu’on en a. Et enfin la découverte de ce personnage, aux idées et aux convictions finalement pas si lointaines de celles qu’on peut avoir aujourd’hui, mais totalement inconnu. De la à dire qu’elle était peut-être l’une des premières féministes, je ne sais pas et je vous laisse le soin de juger. Toutefois, c’est une figure à connaître parmi celles qui ont marqué la période. Merci donc, Clara Dupont-Monod, pour ce bon moment de lecture !
Pour en savoir plus : l’article Wikipédia sur Ivette de Huy