La Confrérie des chasseurs de livres – Raphaël Jerusalmy

Couverture - La confrérie des chasseurs de livres

Raphaël JERUSALMY

La Confrérie de chasseurs de livres

Éditions Acte Sud, 2013.

315 pages

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Présentation de l’éditeur

Le roman de Raphaël Jerusalmy commence là où calent les livres d’histoire. François Villon, premier poète des temps modernes et brigand notoire, croupit dans les geôles de Louis XI en attendant son exécution. Quand il reçoit la visite d’un émissaire su roi, il est loin d’en espérer plus qu’un dernier repas. Rebelle, méfiant, il passe pourtant un marché avec l’évêque de Paris et accepte une mission secrète qui consiste d’abord à convaincre un libraire et imprimeur de Mayence de venir s’installer à Paris pour mieux combattre la censure et faciliter la circulation des idées progressistes réprouvées par Rome. Un premier pas sur un chemin escarpé qui mènera notre poète, flanqué de son fidèle acolyte coquillard maître Colin, jusqu’aux entrailles les plus fantasmatiques de la Jérusalem d’en bas, dans un vaste jeu d’alliances, de complots et de contre-complots qui met en marche des forces de l’esprit contre la toute-puissance des dogmes et des armes, pour faire triompher l’humanisme et la liberté.

Mon avis

François Villon est en prison quand l’évêque Chartier, mandaté par Louis XI, l’en sort avec une mission. Utilisant son intérêt pour les livres, il l’envoie convaincre le libraire et imprimeur Fust de fournir la France en livres censurés pour affaiblir l’autorité du Vatican et unir la nation sous une seule bannière : celle du roi de France. Pour obtenir les manuscrits, François et Colin de Cayeux, son ami Coquillard, sont envoyé en Italie puis en Palestine où leur chemin semble déjà être tout tracé. Ils vont d’abord aller dans un monastère, puis à la rencontre d’un rabbin, avant d’être emprisonnés par les mamelouks qui contrôlent Jérusalem et ses alentours. Ils ne devront leur liberté qu’aux vers de Villon et à la pugnacité de Colin. Ou alors à la bonne volonté de quelques protecteurs de la Confrérie des chasseurs de livres : Frère Paul, le moine bon vivant, Rabbi Gamliel, ou encore Federico le gentilhomme italien proche de Côme de Médicis. Ils ont passé l’épreuve pour aller visiter la Jérusalem d’en-bas et approcher le cœur de la Confrérie des chasseurs de livres et ses secrets. Ils apprennent que la Confrérie détient des écrits d’une importance capital pour la chrétienté : les dernières paroles du Christ rapportées par un rabbin qui s’est entretenu peu de temps avant sa condamnation par les romains. Villon, très croyant malgré les apparences, brûle de toucher, sans parler de lire ces écrits. Cela lui sera accordé après une longue initiation : alors que Colin repart pour l’Europe avec une cargaison de livres à faire imprimer, dont le manuscrit du Testament de Villon, celui-ci est mené sur les rives de la Mer Morte pour accomplir la seconde partie de sa mission.

Le roman se situe à une époque de grands changements sociétaux. L’imprimerie qui permet une plus grande diffusion des écrits, à moindre coût : les ouvrages des philosophes antiques, des poètes, des penseurs deviennent accessible à une autre partie de la société. La religion est abordée, ainsi que les conflits et les luttes de pouvoir qui s’organise autour d’elle. Le roi Louis XI est en conflit avec le Pape qui soutient les seigneurs frondeurs qui s’opposent à lui. Louis XI essaie de contrer son autorité en autorisant la publication d’ouvrages prohibés par l’Inquisition, sous privilège royal. C’est aussi la construction d’une nation qui s’opère, via son meilleur ambassadeur, un poète, celui qui manie la langue française et en fait une arme, contre le latin. La langue française devra attendre François 1er pour devenir la langue officielle, en attendant, défendre Villon, c’est défendre le français. Il y a aussi l’idée que la connaissance est source de pouvoir : en la propageant, on affaiblit le pouvoir de celui qui en avait le monopole, à savoir l’Eglise catholique.

Le personnage a une formidable potentialité romanesque : c’est un poète, le premier poète moderne, certainement le premier poète maudit ; un brigand, un aventurier ; un libertin, un érudit, amoureux des livres, avec sa liberté d’esprit, son insolence et son intelligence qu’il cache sous une attitude débonnaire et simple ; un croyant ambigu : avec un profonde croyance en Dieu et Jésus, il cherche son dieu, mais il affiche le comportement d’un athée. Génie rebelle, il a un aspect populaire, proche du peuple. Il est imprévisible : plusieurs facettes de sa personnalité sont montrées dans ce roman. A mes yeux de lectrice du 2014, il a un caractère de légende.

Catins et gentes dames, bandits et notaires, seigneurs et ouvriers, touchants ou grotesques, déambulent parmi les strophes, tous plus préoccupés d’amour et de bonne chère que de savoir si la terre est plate, ronde ou quadrangulaire. Car Villon n’est pas seulement le héraut d’une ère nouvelle. Il est le croque-mort de celle-ci. Il tire un trait attendri sur une époque qui se meurt. Mais lui, refuse de mourir avec elle. Il s’est éclipsé, plantant là curés et gendarmes, rois ambitieux et évêques véreux, léguant, à qui en voudra, sa légende, sa rengaine. Aux hommes de demain, il n’adresse ni beau discours ni proclamation. Juste un gentil clin d’œil.

Le roman a un aspect picaresque avec tous ses rebondissements. La mission confiée par Chartier devient pour Villon un parcourt initiatique alors qu’il déroule les étapes de son voyage.

J’ai trouvé que l’intrigue manquait de rythme, tout comme le personnage principal manquait d’épaisseur. Les descriptions sont très appliquées et s’attachent à nous faire revivre une époque. Il y a de nombreuses péripéties, mais en vrai ce n’est pas rendu haletant, trépidant ou passionnant, comme on aurait pu l’espérer. L’auteur a une plume « érudite » : il inclut des noms de penseurs, des citations de philosophes… On sent qu’il y a de la recherche, mais cela reste abordable. On apprend des choses sur l’époque, ne serait-ce qu’en ayant un aperçu des ateliers d’imprimeurs, mais le résultat est plutôt soporifique.

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